Nivine Maktabi est l’arrière-petite-fille d’Ali Akbar Maktabi, négociant d’Ispahan, en Iran, ayant parcouru l’Irak et la Syrie ottomanes avant de s’installer au Liban, pour son commerce de tapis. Elle est donc l’héritière d’une longue tradition commerciale et l’une des membres d’une nébuleuse familiale iranienne au Liban : les Maktabi.
Nivine Maktabi nait au Liban puis part avec sa famille s’installer en Suisse avant de se rendre, pour ses études, en Grande Bretagne. Là-bas, c’est l’occasion pour elle d’assister à une effervescence culturelle unique, de déambuler entre les musées et les ventes aux enchères où se rencontrent des trésors anciens, sortis de greniers londoniens, jusqu’aux objets contemporains, à la pointe de la mode. Une rencontre entre histoire, style et couleurs qui l’a toujours passionnée.
C’est d’ailleurs un refrain dans sa vie : ces croisements, ces rencontres, ces compromis qui se font. Déjà enfant, elle accompagnait, avec sa mère et sa fratrie, son père, Mohamad Maktabi, dans ses périples à la recherche de tapis dans toute l’Asie. De l’Anatolie aux vallées de l’Indus, en passant par les montagnes du Caucase, l’imaginaire de Nivine Maktabi s’est ainsi nourri de tous ces reliefs humains, de ces nuances de couleurs et de motifs.
Elle-même connaîtra des expériences riches et variées. Salariée dans une banque, consultante aux Nations Unies, elle passera dans de multiples univers et se gorgera à chaque fois de précieux apprentissages. C’est aussi et surtout dans le magasin familial qu’elle apprend l’art du négoce, la patience du commerçant et la réalité du marché : le tapis traditionnel persan tend à perdre de sa superbe auprès du public, un aspect qui la marquera profondément.
En 2003, Nivine Maktabi revient donc au Liban enrichie de son instruction européenne et des voyages en Orient de son enfance. Elle débute alors, comme les générations qui l’ont précédées, dans le commerce de tapis. Elle commence par adapter l’offre aux demandes de la clientèle. Sont ainsi peu à peu délaissés les tapis des grandes villes persanes, au médaillon central et aux motifs fleuris, pour les tapis tribaux, aux figures géométriques et rectilignes s’adaptant tout à fait au nouveau mobilier du XXIème siècle.
Elle fonde ensuite sa propre marque, Oumnia (de l’arabe : vœux). Fruit de cette vie plurielle et de ces voyages accomplis en Asie, où ses yeux d’adultes, cette fois-ci, se sont inspirés de joyaux architecturaux et visuels, comme les mosaïques de la Mosquée de l’Imam Reza de Mashhad ou les mandalas Indiens, qu’elle a su capturer et reproduire sur des tapis colorés. Aux côtés des tapis, elle introduit un nouveau pilier dans son commerce : le châle. Car lui aussi, comme le tapis en Iran, forme la pièce maitresse du cortège de cadeaux des jeunes mariés, en Inde.
Oumnia symbolise ainsi son souhait profond de répondre aux vœux de la clientèle actuelle et transformée. En variant les tissus, en introduisant des couleurs vives, mêlant les différentes traditions asiatiques aux modes contemporaines et offrant le tout à un prix abordable, Nivine Maktabi contribue dans son commerce et ses compositions à mettre en avant des produits originaux, uniques et tout public. Son magasin touche ainsi tous les univers : la décoration, l’habillement et même la peinture.
À l’image de son père et de son arrière-grand-père, Nivine a su s’adapter à son époque en vendant des productions syncrétiques, inédites tout en continuant à offrir au client, à travers ces objets, une histoire. Plus encore qu’une commerçante, dans le prolongement de ses ancêtres, Nivine accumule désormais la casquette d’artisan par ses compositions.
S’il y a sans doute une chose qui n’a pas changé, depuis son arrière-grand-père venu d’Ispahan, c’est, selon ses mots, la patience dont doit faire preuve tout commerçant, et sans doute plus encore ceux du monde chaleureux et coloré des tapis.
ARTICLES SIMILAIRES
L’atelier restauré de Rabih Kayrouz, écrin d’une collection vibrante
18/03/2024
Un mélange d’art et de mode
Camilla Mina
19/07/2023
Midjourney pour les nuls
Ella Morand
30/06/2023
Chat GPT pour les nuls
Yaël Assayag
16/05/2023
Georges Haddad, l’alchimiste de Beyrouth
Noame Toumiat
10/01/2023
Pinch Moi!, un 'exclamation store' inspiré des couleurs du monde
Nadine Fardon
15/12/2022
Patrick Boghossian, créateur de bijoux
Zeina Saleh Kayali
12/12/2022
"Gaudi", la nouvelle collection de Randa Tabbah
Zoe Lunven
05/12/2022
Valence 2022: le design en capitale
Christiane Tawil
11/10/2022
Josette Menassa ou la passion de l’art
Zeina Saleh Kayali
26/09/2022