Mona Nahleh explore les « réalités parallèles » à la galerie Maya Art Space
13/03/2024|Garance Fontenette
Comment, en tant qu’individus, nous faisons face aux changements sociaux que l’humanité connait ces dernières années ? L’artiste Mona Nahleh explore les impacts de ces tragédies sur nos âmes à travers son exposition « Réalités Parallèles » qui se déroule jusqu’au 2 avril à la galerie Maya Art Space. Rencontre avec Mona.
Dès le début de notre entretien Mona m’explique que « depuis mon enfance, j'observe les gens et je tente de comprendre leurs émotions ». Cette faculté lui permettant de se questionner sur le monde qui l’entoure l’a inspiré pour sa nouvelle exposition « Réalités parallèles ».
Auparavant, les discussions autour du traditionnel « Ahwe », rassemblaient les hommes pour échanger sur divers sujets d'actualité et sociaux, qu'il s'agisse de politique, d'économie ou même d'événements culturels. Les femmes faisaient de même lors de leurs propres réunions. Malgré des opinions divergentes, ces discussions aboutissaient à une certaine vérité tangible, forgeant ainsi une réalité commune à laquelle les gens pouvaient se rattacher.
Cependant, depuis quelques décennies, la diversité des opinions a émergé. « Il y a désormais autant d'opinions qu'il y a d'individus dans le monde » m’explique l’artiste. Cette multiplicité d'opinions a engendré une pluralité de réalités. Mona poursuit : « Les événements sont désormais vécus différemment par chaque individu, créant ainsi des réalités parallèles qui se rejoignent parfois, mais pas toujours ». Que ce soit la crise de la COVID-19, l'urgence climatique ou les conflits persistants, ce sont des réalités intangibles auxquelles l'humanité est confrontée, mais chacun les appréhende à sa manière. Il suffit d’observer « nos voisins, nos frères, nos sœurs, nos amis qui choisissent d'y adhérer ou non, ce qui crée ces « réalités parallèles », semblables à des univers multiples à travers lesquels nous évoluons » selon Mona, expliquant l’idée sous-jacente derrière son travail artistique.

« Mon processus a évolué au fil des années. Avant, je suivais une méthode précise qui finissait par m'épuiser. Désormais, je contrôle seulement 20 à 30 % de mon travail, le reste est laissé à la passion, à la reconstruction et à l'abandon. » déclare Mona.
Son processus de création est donc plutôt instinctif, dénué de plan ou de méthode rigide, ce qui laisse place à une spontanéité évidente dans chacune de ses toiles. Il s’agit, selon elle, « d'un dialogue constant avec la création ». Elle aime jouer avec la transparence, l'aspect brillant, créant ainsi différents niveaux de profondeur dans ses œuvres. Son processus implique des essais, de constructions et de déconstructions successives jusqu'à parvenir à un résultat artistique final. Telle une métaphore de la vie avec ses événements imprévus, ses tourbillons émotionnels nous poussant à nous adapter, comme autant d'étapes constituantes de nos vies. Elle laisse place à son intuition en explorant une diversité de matériaux, de techniques et de textures pour aboutir à un résultat artistique époustouflant.
En effet, Mona utilise plusieurs supports dans ses toiles et ses sculptures, de l’acrylique entre autre, mais aussi des morceaux de journaux en papier mâché, comme une piqure de rappel de l'actualité et des réalités auxquelles nous sommes confrontés. L’artiste m’indique être « plus intéressée par l’énergie des gens que par leur apparence physique, c'est pourquoi les personnages que je peins n'ont pas nécessairement une apparence humaine claire ». Cette énergie, nous la ressentons instantanément devant ses toiles.

Toutefois, « l'objectif est toujours de créer quelque chose de plaisant pour les yeux » m’indique l’artiste. Un art qui invite à s'immerger pour transmettre un message. Les couleurs jouent « un rôle essentiel pour communiquer avec le spectateur à travers l'œuvre d’art », selon elle.
L'exposition présente une vingtaine de toiles de grande dimension et quelques dizaines plus petites. Les toiles se caractérisent par des couches en relief, des couleurs neutres rehaussées de touches vives et des accents de couleurs pastel dans certaines peintures.
En plus de ses toiles, Mona présente également des sculptures qui n'étaient pas « initialement prévues » m’avoue-t-elle. Mona crée des sculptures en papier mâché à partir de matériaux et de pièces qu'elle trouve « en promenant son chien », plaisante-t-elle. Cependant, l'essence même de son travail réside dans la transformation de ce qui existe déjà en œuvres d'art.
« Recycler, c'est donner une nouvelle vie à quelque chose », explique-t-elle. « Une nouvelle vie, c’est comme lorsque nous traversons un moment compliqué de nos vies, quand quelque chose arrive et qu'il n’y a plus d’espoir. Et puis un événement survient qui redonne cette étincelle de vie et nous repartons. C’est pour moi le but du recyclage. J’aime les émotions des nouveaux départs, des premières fois. L’idée que ce sera un peu mieux qu'avant. » m’explique Mona.
« Je sais que c'est fini quand je ressens une excitation à l'idée de voir mes peintures, quand je ne peux plus dormir. Mais c'est difficile de les vendre, cela brise mon cœur à chaque fois. Chaque toile est unique, tout comme les personnages qu'elle représente. C'est pourquoi je m'attache à chacune d’elle » m’avoue l’artiste. Et pour cause, chaque œuvre de Mona est comme un voyage intemporel. Les spectateurs peuvent s'y perdre pendant des heures, attirés par ses toiles qui regorgent toujours de nouveaux détails à chaque regard.

L'art de Mona est à la fois singulier et profond. Devant ses toiles, les personnages, dont les yeux sont toujours visibles, semblent nous adresser la parole, nous invitant à voyager à travers leurs vies et leurs expériences. Tant les sculptures que les toiles mettent en scène des personnages uniques, caractéristiques de l'univers artistique de Mona.
« Réalités parallèles nous plonge au cœur de nos propres sentiments face au monde qui nous entoure. Une exposition nécessaire et singulière à découvrir à la galerie Maya Art Space !
Crédits portrait de Mona Nahleh : © 2023 Maher Attar. All Rights Reserved
Pour en savoir plus.
https://mayaartspace.co/get-in-touch/
ARTICLES SIMILAIRES
Le Liban d’hier à demain par Nawaf Salam
Zeina Saleh Kayali
14/01/2025
Transit Tripoli : Un vibrant tangage
Maya Trad
19/06/2024
« The School of Life » ou le camp d’été transformatif
Nadine Fardon
19/06/2024
Annulation de la Première mondiale de "Journée de Noces chez les Cromagnons"
11/04/2024
Lecture 79 : Ketty Rouf, Mère absolument
Gisèle Kayata Eid
11/04/2024
Le voyageur
Olivier Ka
10/04/2024
Des écrans aux idéaux: Beirut International Women Film Festival
09/04/2024
L’univers onirique de Yolande Naufal à Chaos Art Gallery
09/04/2024
De miel et de lait, une histoire douceur du Liban
Garance Fontenette
09/04/2024
Claude et France Lemand Chevaliers de la Légion d’honneur
08/04/2024