À peine trois jours après la prise de mes fonctions comme coordinatrice résidente et humanitaire des Nations unies pour le Liban, des explosions dévastatrices ont ravagé le port de Beyrouth le 4 août 2020, fauché la vie de plus de 200 personnes et fait des milliers de blessés, sans compter des quartiers entiers pulvérisés. J’étais chez moi et je survolais mes dossiers, en vue de me préparer à mes nouvelles fonctions dans un pays où j’ai toujours aspiré à travailler pour servir son peuple exceptionnel.
L’explosion du port de Beyrouth a marqué un tournant pour le Liban, pour son peuple, mais également pour moi. Deux ans plus tard, les séquelles de ce drame se font toujours sentir et le pays continue de se battre pour que justice soit faite et pour se relever de cette catastrophe qui a touché les Libanais, mais aussi la planète entière.
J’ai écouté des témoignages sur le choc, les pertes et les souffrances lors de mes nombreuses visites sur le terrain. Une image résume peut-être à elle seule mon séjour au Liban : en me baladant dans les rues de Beyrouth, j’ai été profondément émue par les efforts individuels des citoyens libanais qui ont accouru pour aider leurs compatriotes dans certains des quartiers les plus touchés de la capitale. C’était un signal très fort envoyé en termes de solidarité humaine et nationale.
La communauté internationale, que j’appelle les "amis" du Liban, a également manifesté un élan de solidarité à travers l’afflux immédiat de soutien du monde entier. Je tiens à les remercier pour leur présence constante aux côtés du Liban et de son peuple, pour leur confiance et leur soutien indéfectible. C’était particulièrement difficile. Cependant, au milieu de ces ténèbres, notre sens humain commun a pris le dessus et c’est ensemble que nous parviendrons à la lumière au bout du tunnel. J’espère que vous continuerez, vous, les " Amis du Liban ", à pousser et à défendre les bonnes causes pour le bien de la population libanaise.
De plus, nous avons la responsabilité collective de préserver la stabilité du Liban et de soutenir son redressement afin que son peuple puisse finalement connaître la prospérité, la paix et le progrès durable. La solidarité est ce qu’il y a de mieux dans notre humanité. Elle ne possède ni religion, ni sexe, ni nationalité ou agenda politique. C’est la seule voie à suivre pour redresser le Liban. À vrai dire, tout au long de mes deux années passées au Liban, que ce soit en aidant à faire face aux conséquences des terribles explosions du port de Beyrouth, de la pandémie de la COVID-19 ou de la crise socio-économique actuelle, notre humanité commune a démontré que nous sommes capables de déplacer des montagnes, mais seulement si nous conjuguons nos efforts.
Il ne fait aucun doute que le redressement du Liban se trouve entre les mains de l’État libanais et dépend fortement de sa volonté politique et de son engagement à mettre en œuvre des réformes importantes. Il est également bien connu que les gouvernements fonctionnent mieux lorsqu’ils sont guidés par un contrat social qui prend en compte les voix de toutes les composantes de la société. C’est particulièrement pertinent et essentiel s’agissant du Liban. Les Libanais réclament le respect de leurs droits et libertés fondamentales. De plus, ils veulent avoir leur voix au chapitre quand il s’agit de prendre des décisions qui affectent leur vie. Ils souhaitent être traités sur un pied d’égalité et bénéficier d’une représentation égale dans l’élaboration des politiques publiques et privées, comme le stipule explicitement la Constitution libanaise.
Renouveler le contrat exigera de l’État et du peuple libanais des droits et des devoirs mutuels, où la transparence, l’inclusion, la reddition de comptes et la citoyenneté seront au cœur de cet engagement réciproque. La confiance dans le système politique et les institutions publiques sera ainsi rétablie.
Ma mission au Liban a été extraordinaire. C’était un parcours semé d’embûches, mais également d’étapes clés et de réalisations sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Il s’agit notamment du Cadre de réforme, de redressement et de reconstruction (3RF), du Plan d’intervention d’urgence et du Cadre de coopération pour le développement durable des Nations unies, qui guideront le Liban sur la voie du développement durable. À ce titre, j’ai bénéficié du soutien du gouvernement qui a fait preuve de bonne volonté, du secteur académique, des médias, des ONG, des ambassadeurs, ainsi que d’autres partenaires locaux et internationaux. Je leur en serai toujours reconnaissante. Rien de tout cela n’aurait été possible sans leur soutien constant et leur aide précieuse.
Je quitte ce beau pays le cœur lourd, triste, sachant qu’il reste encore beaucoup à faire et que j’aimerais pouvoir en faire davantage. Mais, je suis très fière de ce qui a été accompli jusqu’à présent via les mécanismes de développement et d’aide humanitaire des Nations unies, que ce soit pour le peuple libanais, les communautés locales, les institutions publiques et les populations les plus vulnérables, notamment les migrants et les réfugiés.
Le travail de l’ONU est loin d’être terminé. Les défis sont immenses, mais la volonté de l’équipe des Nations Unies au Liban et la détermination de la population se révèlent encore plus fortes. Alors que le Liban s’engage dans une nouvelle phase de recouvrement et de réformes, le renforcement des partenariats devient indispensable pour amorcer un changement rapide et systémique, axé sur les besoins et les aspirations de la population.
Préserver la stabilité et la prospérité du Liban est dans l’intérêt de tous. La beauté du Liban réside dans sa population. Le pays prospère grâce à sa diversité, son vivre-ensemble et son riche capital humain. Dans le cadre de notre effort collectif pour l’aider à surmonter sa crise aux dimensions multiples et à préparer l’étape d’après-crise, qui garantira une plus grande équité, des perspectives et une plus grande dignité pour tous, je pense que le Liban a offert une grande leçon à l’humanité… Inversement, j’affirme avec certitude que l’humanité a besoin du Liban.
À tous les Libanais, je dis et je leur assure que oui, il y a de l’espoir. Le Liban a des amis qui ne l’ont jamais abandonné et qui ne l’abandonneront jamais, lui et son peuple, et je vous demande de chérir votre pays et de préserver son caractère unique et sa beauté. Il n’y a qu’un seul Liban. Je compterai toujours sur la bonne étoile qui m’a permis de travailler pour ce pays si fascinant.
Aujourd’hui, le Liban a plus que jamais besoin des Libanais.
Par Najat Rochdi
Cet article a été originalement publié sur le site de Ici Beyrouth
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