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Liberté, je chéris ton nom...

04/11/2019|Bélinda Ibrahim

Avant le 17 octobre, le Liban était pour moi un pays/sujet enterré. Une affaire classée. Je n’avais qu’une seule obsession: m’acheter un bien à l’étranger et garder mon esprit branché vers l’extérieur. J’étouffais littéralement. Je m’étais mis des échéances pour des réalisations à court et moyen terme qui me permettraient de réaliser ce rêve « étranger » en mai 2020.
Et puis il y a eu l’incroyable, l’inattendu, la sublime révolte, celle de mes concitoyens qui se sont enfin réveillés et quel réveil ! Quelle surprenante révolution ! En quelques jours, les Libanais ont balayé mes craintes et m’ont surtout conquise. Le liant de cette révolution a dépassé toutes mes espérances, me prenant de court, faisant dévier mes projets, m’obligeant à vivre dans l’immédiateté de l’instant. Au jour 1, beaucoup pariaient sur le côté éphémère de cette révolte. Et la rue a, jour après jour, fait tomber toutes les prévisions. Jusqu’à se surprendre elle-même. Magique. Magistrale. Indomptable. Ce mouvement spontané s’est transformé en une véritable révolution. Deux millions et demi de personnes dans la rue. Des places occupées par des sit in. Des routes coupées. Le pays en mode pause. De la danse, des chants, une révolution joyeuse. Une révolution écologique. Une révolution responsable. J’ai vu mes concitoyens grandir. Passer de l’adolescence longtemps stagnante à l’état d’adultes mûrs. En quelques jours seulement ! Les ennemis d’hier ont fraternisé, ils se sont libérés de leurs partis et de leurs meneurs...quelque chose de puissant a élevé le débat, effacé les rancunes. Un rêve. Le plus beau des rêves. Je me dis que cette bataille est la plus importante de notre vie parce que nous la devons à nos enfants et à nos petits-enfants afin de les délester du boulet de notre guerre à nous, que nous leur avons transmis puisqu’elle ne nous avait jamais quittés. Larvée. Sournoise. Silencieuse. Et là, la parole s’est libérée. Le mur de la peur est tombé. Le rejet de l’autre différent de soi s’est mué en adhésion. Nous nous sommes tenus la main pour former une chaîne humaine sur 10452 km2. 170.000 personnes ont dessiné les contours d’un Liban différent. Une version 2.0 de la patrie est née. L’espoir a germé de nouveau et avec lui la possibilité de léguer à nos enfants (et à leurs enfants à venir) un pays qui peut très vite redevenir le petit coin de paradis qui avait charmé le monde entier avant que le communautarisme ne s’y mêle. Ce fléau qui a monté les Libanais les uns contre les autres, inféodés lors à des « leaders » qui les ont menés à leur perte et surtout à la destruction de leur pays.
Liberté, je chéris ton nom. Tu demeureras mon unique appartenance. Non, je ne rejoindrai, à titre de membre, aucun parti politique quel qu’il soit, même si l’envie m’a titillée ces jours derniers. D’ailleurs je ne l’ai jamais fait par le passé. Je resterai libre comme je l’ai toujours été, tout en apportant mon aide et mon soutien en tant que sympathisante active lorsque des actions ciblées de la société civile et autres initiatives initiées par des hommes et des femmes de bonne volonté m’interpelleront et seront en adéquation avec mes principes et mes valeurs.
Ceci me permettra de garder le recul nécessaire dont ma liberté de penser a besoin pour s’autoalimenter.

 

(Photo : Le cèdre de la révolution, Zeina Nader, 90x90cm, huile sur toile, 2019)

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