Les Cordes Résonnantes : La musique qui ressuscite de la réalité de l’être
12/07/2022|Dr Naji M. KOZAILY
Il aurait pu porter un autre nom, cet ensemble, à l’image des instants fugaces qui passent et trépassent.
Il a choisi un nom, fort, puissant, à l’image de l’émotion qui porte bien au-delà de la réalité de la musique ; bien au-delà du silence qui s’en suit ; bien à la hauteur de ce Liban des sommets que cet ensemble incarne.
Car cet ensemble, Les Cordes Résonnantes, est bien le Liban. Il n’est pas en lui comme un simple qualificatif qui fuse, mais en attrait qui perce fort, tout en faisant ressentir l’immense.
Immense, un ensemble de musique classique et baroque ?
Péjoratif, pour certains ! Et pourtant il l’est cet ensemble de jeunes libanais car tout d’abord il est unique. Des ensembles pareils foisonnent un peu partout… comme des lueurs d’amalgames qui finissent par s’éteindre faute de scintillement. Lui, il est différent.
D’abord, jeune, éternellement jeune, comme ce Liban qu’il arbore en identité. Par suite, engagé, comme ce Liban qu’il brandit en fierté. Toujours assuré, comme ce Liban qu’il traduit en l’innocence du premier instant de la création : en défi à la pérennité de la lumière vivante.
Car c’est cela résonner : oser défier par le retentissement ; oser croire pour vivre ; oser rêver par le frémissement et… pour lui. En un mot : oser être Libanais, en représentant la passion, voire en la provoquant … et le rester, à l’heure où tout est dévalorisé, déraciné, désincarné.
Un acte de résistance ! Acte suprême de résilience !
Au cœur de cette universalisation de la dissonance, Les Cordes Résonantes, se veut un ensemblede passeurs d’excellence, évocateur de renouveau, nullement limité par le formalisme complaisant car aléatoire, appréhende un agencement du beau qui fait appel à l’intellect, et qui synthétise la combinatoire la plus puissante, variant entre compositions classiques, baroques, de standards de jazz, de partitions de films musicaux et… de créations de nombre de compositeurs libanais du XXe et du XXIe siècle.
Déjà, depuis l’Antiquité, Saint Augustin, cet autre Libanais des lointains, dans son De Musica, qualifiait la musique de scientia bone modulandi (moduler, c’est mettre de la mesure dans le mouvement), rien que pour mieux situer la rareté de son pouvoir à l’intérieur de l’âme qui, par sa grâce, se retrouvera éprise de rapports subtils qui sont un aspect de la Vérité divine. Un moyen de connaître Dieu à travers l’harmonie du cosmos à laquelle l’âme, toute âme, humaine se doit de résonner.
Une harmonia de quêtes, cet ensemble, Les Cordes Résonantes, alors ? Dans ses expansions complexes et ses immédiatetés raffinées ?
Quelle indépendance phénoménale que les ascendances de cet ensemble, dans un monde qui n’engendre que souffrance, souffrance liée aux désirs, consubstantiels au vouloir vivoter !
A l’écouter, certains diront que ses performances sont délivrance, des exercices cachés de métaphysique d’âmes qui ne savent pas qu’elles philosophent ; d’un esprit, unifié, qui sait pourtant qu’il compte. Comme si pour ce Dieu Créateur des Formes, cette musique a pris rang, pour être une inattendue, mais une efficace « ancilla theologià », servante de la théologie… de la pensée même de Dieu.
A l’applaudir, tous seront conscients que ce « presque rien », ou peut-être ce « je ne sais quoi », de la vie, ne sera plus comme avant. L’éphémère est devenu un fait que ni la mort ni le désespoir ne peuvent annihiler.
Qu’est-ce à ajouter ? Peut-être ce petit rien qui régénère le tout devant soi : la joie éprouvée, qui s’édifie en rapport avec l’essence des choses. Car c’est cela qu’exige l’ensemble Les Cordes Résonnantes : la musique qui ressuscite de la réalité de l’être ; de ce grund, cet abîme qui, selon la pensée allemande, n’est que la nuit originelle qui vouait le monde, à l’angoisse de son absurdité.
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