C’est un long cri de douleur, un hululement qui se répercute d’une montagne à l’autre dans le pays des mille collines. Son écho au Rwanda ne cesse de hanter les deux ethnies qui pourtant un funeste été de 1994 se sont entretuées dans une des guerres intestines les plus atroces. De ce génocide il est resté un peuple mutilé, atterré, à genoux, encore à la recherche du pourquoi de cette fureur meurtrière.
Et pour traduire cette incommensurable blessure, impossible à cicatriser, la plume de Atiq Rahimi l’exhume dans un long poème, illustré par des dessins griffonnés dans ses carnets de voyage. Ce voyage qu’il a entrepris pour tourner un film sur les prémices du génocide.
Un petit livre qui se parcourt vite, mais qu’on lit lentement. Car au détour de chaque page, une phrase, une réflexion, nous ramène à notre propre condition libanaise.
« La femme est-elle morte ?
… Elle est survivante.
Les survivants d’un génocide n’ont pas d’ombre.
Ils sont ombres.
Ombres errantes de leurs morts.»
Un pamphlet douloureux qui constate l’irréparable dans le cœur des hommes, souvent appuyés de contes et de légendes, universels semble-t-il : « J’ai entendu que lors de ces procès, une dame a fait venir son fils, un génocidaire à Gacaca pour qu’il avoue publiquement son crime et demande pardon aux victimes. Quel geste ! Ils ont tout compris, les Rwandais.
Après chaque guerre, il faut le procès des criminels, non pas uniquement pour le châtier, mais en vue de ne pas laisser un peuple vivre dans le déni. C’est une manière solennelle de faire le deuil afin de ne pas sombrer dans la vengeance aveugle et interminable, comme en Afghanistan… » et comme au Liban qu’on aurait envie d’ajouter.
Une réflexion poétique et humaniste de cet Afghan exilé, toujours obsédé par la guerre fratricide de ses compatriotes qui a senti le besoin de « re-garde(r) et re-touche(r) les cicatrices de l’Histoire dans un pays qui, tel un miroir, invite l’humanité à s’y contempler, à découvrir ses blessures et à se re-connaître dans ses horreurs et ses douceurs ».
Pourra-t-on, comme il le constate, appliquer cette tirade devenue célèbre ?
« Il faut nommer l’horreur,
Nommer pour l’identifier,
L’identifier pour ne pas l’oublier,
Ne pas l’oublier pour ne pas la répéter
Ne pas la revivre »
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