« Qu’est-ce qu’elle nous rapportera ? »
C’est contre cette question que j’ai dû me battre quand j’avais déniché une petite musicienne de 16 ans qui maniait son violoncelle comme une pro et que j’avais voulu lui écrire un article dans une rubrique consacrée aux jeunes talents dans une revue de l’époque.
Dix-huit ans plus tard, elle est là, avec son air sérieux de grande petite fille et je n’ai d’yeux que pour elle dans ce magnifique cadre qu’offre les Musicales de Baabdath aux amoureux de la belle musique, sans flafla, ni flonflon. La voir sur scène avait quelque chose d’émouvant. La virtuose « de demain » avait réalisé son rêve et sa brillante prestation était aussi belle qu’un conte de fées. Et voici pourquoi.
Jana Semaan : Le violoncelle pour avenir
Alors que tous les enfants jouaient dehors, elle tirait sur son archet. A 7 ans, elle commence avec un tout petit violoncelle (1/4) à prendre goût à ce qui va, à 16 ans, remplir toute sa vie. Elle vient d’obtenir son baccalauréat au Conservatoire national supérieur de musique (le 28 novembre 2005) et de rentrer surtout d’une grande tournée qui l’amena dans les plus grandes capitales du monde. C’est un jury de l’association « West-Eastern Divan orchestre » avec le pianiste et chef d’orchestre international Daniel Baremboin en collaboration avec Edward Said qui la sélectionna à Beyrouth (ainsi que son frère au violon). Après les répétitions à Séville, elle joue dans trois villes en Espagne, puis à Sao Paulo au Brésil, au Montevideo en Uruguay, à Buenos Aires en Argentine, Londres, en Ecosse puis Frankfurt en Allemagne.
Entre son école, son conservatoire et ses heures d’entraînement, la jeune Jana peine à trouver le temps pour rêver. Elle se voit pourtant grande soliste, au sein d’un orchestre grandiose, là où tout indique qu’elle y excellera. « C’est l’instrument de musique qui se rapproche le plus de la voix humaine » dira-t- elle de son violoncelle. Une passion, un parcours étonnant pour une jeune fille bien rangée qui, les yeux vibrants, semble être habitée par un monde réservé à ceux que la nature a doté du don des dieux.
Aujourd’hui, c’est à un voyage vers le sublime que nous as conviés celle que j’avais qualifiée « d’une enfant gâtée des dieux et qui le leur rend bien. » Auréolée de succès, l’ascension de Jana Semaan est fulgurante. Son CV époustouflant en atteste. Car dans le sous-sol de la « nouvelle église » aux allures de cathédrale de Baabdath, pas de cellulaire qui bipait, pas de chuchotements, mais une écoute active, enveloppée de paix et de douceur, fondue dans ce que Bethoven et Mendelssohn ont de plus beau à offrir, servi par l’Aco Trio que Jana Semaan a créé en Jordanie, il y a à peine un mois (qui fait partie de l’Orchestre de chambre de Amman dans lequel elle joue un rôle considérable dans la formation de nouveaux talents) et qui a subjugué son auditoire par la prestation fusionnelle et enlevée des trois musiciens.
Avec le piano de Karim Said qui caracolait, le violon de Ihab Jamal qui dansait, Jana, toutes à ses cordes, ses doigts butinant son arme de séduction, caressait tantôt son violoncelle, et tantôt le titillait, le laissant gambader langoureux ou véhément pour nous offrir une heure de musique hors temps et hors champ.
C’est comme si, à l’heure des info catastrophées, une prière était montée à travers les archets et les touches en émail pour rejoindre ce ciel dont les Libanais ne voient même plus le bleu tant la grisaille des jours l’obscurcit. Une halte, un soupir comme une gracieuseté des Musicales de Baabdath (encore une) qui élève nos âmes et nous réconcilie avec notre être profond qui n’aspire qu’à la sérénité.
ARTICLES SIMILAIRES
Petite messe solennelle de Rossini pour un grand concert réjouissant au Festival al Bustan
Gisèle Kayata Eid
20/03/2024
Laura Lahoud : « oui nous l’avons fait envers et contre tout »
Nelly Helou
20/03/2024
Riche saison hivernale à Beit Tabaris
Zeina Saleh Kayali
13/03/2024
Vernis Rouge : « Je suis fière de pouvoir représenter le Liban »
Garance Fontenette
07/03/2024
Abdel Rahman el Bacha en concert exceptionnel à Beyrouth
Gisèle Kayata Eid
03/03/2024
Mélodies françaises et libanaises par Marie-José Matar et Elie Sawma
Zeina Saleh Kayali
27/02/2024
De Kaslik à Erevan avec Betty Salkhanian et Georges Daccache
Zeina Saleh Kayali
25/02/2024
La musique : Un vecteur conducteur essentiel pour créer une véritable nation
Nelly Helou
20/02/2024
Orphée autrement avec La petite suite
Zeina Saleh Kayali
13/02/2024
Noémie Chemali et l’Opus 961
Zeina Saleh Kayali
07/02/2024