J’ai vu une chambre mansardée et des toilettes sur le palier, un escalier de colimaçon, de ferraille et d’obscurité
J’ai vu des SDF, des crânes rasés, des chaînes en métal, des nez percés, des ventres piercés, des pitbulls les accompagner
J’ai vu des hommes gris, des costumes cravates gris, des chiffres danser, des rapaces se dépecer, pour deux chiffres après la virgule, pour un chiffre après la virgule
J’ai vu des hommes jacter, des hommes éructer ; des hommes frapper
des femmes soumises, des femmes éreintées
J’ai vu des enfants mendier, des enfants implorer et nul les regarder
J’ai vu des yeux se détourner, ô combien d’yeux se détourner,
Des dos, j’en ai vu plein ; de belles jambes
J’ai vu de la taule, de la ferraille, des déchets ici, là, en haut, tout autour, à Sabra, à Tripoli, à Ain el Helwé, à Dahyé
J’ai vu un amputé pleurer à Bint Jbeil, un handicapé jeté sur le Ring
J’ai vu un père battre une enfant parce qu’elle aimait un garçon, parce qu’elle souriait, parce qu’elle vivait
J’ai vu des hommes conspuer des femmes parce qu’elles brillaient, parce qu’elles assuraient pendant qu’eux frimaient et s’enivraient
J’ai vu des os se briser, se déplacer, et nulle main pour les ramasser
J’ai vu des os résonner et une révolution gronder
J’ai vu des hommes et des femmes qui hurlent et qui dansent, l’oubli pas la joie, la délivrance, pas encore la naissance

Extrait Atelier d’écriture Révolte, Octobre 2019