Il fait bon revenir au Liban
Un peu plus de courant, moins d’argent; un peu moins de files aux stations d’essence, un peu plus de précarité médicamenteuse; les émigrés reviennent, la Covid avec; les plages sont bondées, les supermarchés vides.
Dans un yoyo permanent entre « Ce pays est invivable » et « Le Liban est merveilleux », j’avance comme à reculons.
Mais dans ma tristesse de voir sombrer ce rutilant pays, comblée de tant de richesses, des petites pointes de bonheur émergent :
Il y a eu ces retrouvailles, sous un ciel à ravir l’âme, avec tant de jeunes bourrés de talents, accouplées au bonheur de celle qui les recevait tous (en l’occurrence, Myriam Nasr Shuman de l’Agenda culturel), pour parler, encore et contre vents et marées, de culture, de projets, de réalisations, dans une maison libanaise retapée à vous faire oublier tous les gouffres de la ville.
Il y a eu ce petit week-end concocté spécialement pour moi, pour retrouver des amis qui avaient envie de me voir. L’un apporte la kneffeh, l’autre les manakish, la troisième dresse la table, encore une autre appelle tôt le matin : « La station du coin a « commencé à remplir »… et on se précipite, d’un même cœur, avec l’énergie décuplée par tous.
Puis, il y eut ce concert grandiose, concocté par Ibrahim Maalouf à qui on a fait l’honneur de jouer la Marseillaise en plein cœur de Paris, devant des dizaines de milliers de spectateurs. En promenade dans son village il y a quelques jours, j’ai vu sa maison nichée sur un flanc de cette magnifique montagne-rempart. Savoir que le fils de cette terre généreuse vole si haut m’a rempli de joie et de fierté.
Et il y a la mer immuable qui me dit : « Tu vois, tu peux aller là où tu veux, m’oublier même, mais moi je reste ici, je borde ce pays qui t’aime et que tu aimes tant ». Et oui je l’aime mon pays. J’aime ses gens. Ceux qui, hier encore, à l’Ordre des ingénieurs ont remporté une autre bataille légale, comme autant de sondages positifs sur l’avenir des élections parlementaires, décisives pour remonter la pente et prouver, encore une fois, que le Liban ne peut pas mourir, même si on essaye de l’enterrer tous les jours un peu plus.
Je l’aime parce qu’il a la foi, celle qui encombre les routes qui mènent à St Charbel, le jour de sa fête. Parce qu’il y a cette chaleur autour et de tous. La chaleur de ceux qui partagent ne serait-ce qu’un plat de patates écrasées, mais aromatisées avec le basilic du pot planté sur le balcon. Parce qu’il y a l’entraide spontanée, la fusion de tout un peuple qui lutte, coude à coude, les yeux rivés vers le ciel et qui rêvent…
Et parce que « Si je devais refaire ma vie, je referai mes rêves encore plus grands et encore plus beaux, parce que la vie est infiniment plus belle que je ne l’avais cru, même en rêve », comme le disait Bernanos, oui, il fait bon revenir au Liban.
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