Hanibal : Une expression artistique évolutive, ancrée dans la tourmente libanaise
Hanibal Srouji, né en 1957 à Beyrouth, a grandi sous l'ombre oppressante de la guerre civile libanaise, tumultueuse, profondément marquante pour l'artiste. Ses premières œuvres reflétaient la brutalité et la désolation omniprésentes dans son environnement, comme un cri silencieux exprimant l'indicible douleur. Toutefois, avec le temps, Srouji a évolué vers une expression artistique plus abstraite et réflexive, cherchant à transcender la réalité en explorant la couleur, la forme et la texture. Son travail est devenu une profonde exploration de la condition humaine, de la mémoire et de la quête de la beauté au milieu du chaos.

L'art en tant qu'expression sublimée des tourments de l'âme et de l'expérience humaine trouve en Hanibal une voix singulière. Son exploration de la dimension onirique dans son travail, entrelacée avec une profonde réflexion sur la guerre civile, témoigne d'une maîtrise artistique et conceptuelle remarquable. À travers son esthétique, il incite à une méditation sur la manière dont les traumatismes individuels et collectifs peuvent être traités et transcendés par l'art. La relation d’Hanibal avec la guerre civile libanaise suggère que l'art peut servir de refuge pour l'âme humaine, offrant une voie pour transcender la douleur et donner un sens à l'apparemment insensé. En effet, l’art, forme d'expression intemporelle, transcende les barrières géographiques et culturelles pour toucher la fibre de l'âme humaine, et permet le triomphe de la contemplation, même lorsque la réalité est déchirante. Bien que "Le Chant du Monde" ait été une exploration de la beauté et de la contemplation, l'influence – à la fois profondément intime et résolument collective – de la guerre civile libanaise est toujours présente, en filigrane.
Claude : Un visionnaire, galériste et humaniste
Claude Lemand, galeriste émérite basé à Paris, est un personnage central dans cette histoire artistique. Collectionneurs et grands mécènes franco-libanais, le couple Claude et France Lemand a fait une donation exceptionnelle de 1700 œuvres d’art au musée de l’Institut du monde arabe, à titre gratuit, et à la seule condition que ces œuvres soient montrées aux publics des visiteurs par rotation annuelle. Cette donation d’envergure a été réalisée dans le but de contribuer à la préservation et à la diffusion de l'art moderne et contemporain du Monde arabe et de ses diasporas. Lorsqu'il a découvert le travail de Hanibal, Claude a été profondément touché par la capacité de l'artiste à transcender la douleur de la guerre civile libanaise pour créer des œuvres d'une beauté poignante. Il a immédiatement compris que cet artiste avait quelque chose de spécial à offrir au monde de l'art, bien au-delà de la simple esthétique, pour toucher l'essence de l'humanité en chacun de nous.

L'Art pour l'Art : Une conception partagée ?
De prime abord, l'un des éléments les plus frappants de la similitude – dans la vision artistique – entre Hanibal et Claude serait leur engagement commun en faveur de l'Art pour l'Art. Pour eux, l'art ne doit pas nécessairement servir un objectif politique ou social, mais une célébration de la créativité humaine et de l'expression individuelle. La théorie de l'Art pour l'Art, également connue sous le nom d'art pour l'artisme, est une perspective philosophique qui place l'art au centre de son propre univers. Cette approche artistique a émergé au 19e siècle, notamment avec les écrits de l'écrivain Théophile Gautier et le mouvement symboliste. Elle s'oppose à l'idée que l'art devrait servir des fins politiques ou morales. Les artistes qui adhèrent à cette philosophie cherchent à explorer la créativité pure, l'expression personnelle et l'expérimentation sans contraintes, mais ils rejettent les exigences d'instruire ou d'influencer la société par leur travail et encouragent l'autonomie artistique.

C’est ici qu’en réalité, la conception artistique des deux hommes se détache de la-dite théorie. Certes, l'art doit être apprécié pour sa beauté intrinsèque (perspective kantienne), son esthétique, et son pouvoir d'éveiller des émotions et des sensations chez le spectateur ou le public (perspective cathartique), mais c’est avant tout “une célébration de la vie” me dit Hanibal, “où tout devient possible”. “Oui, cela ressemble de loin à un engagement vers l'Art pour l'Art…mais en réalité, c'est un rêve vers un monde qu'on miroite”. En cela, même si ce n’est pas l’objet central, l’art reste donc éminemment politique. La collaboration d’Hanibal et Claude sur ce projet incarne cette philosophie, mettant en avant l'importance de l'art en tant que moyen transcendant d’une part, les traumatismes humains, et canal pour un dialogue universel d’autre part. Toutefois, leur attachement à la perspective morale et politique reste évidente, présente, assumée, honorable.
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