Elle nous avait manqué avec sa gouaille mi-figue mi-raisin. Mais elle nous est revenue, encore plus pétillante, toujours avec ses mimiques déconfites par les aléas de la vie qu’elle déconstruit par des ritournelles malicieuses et un gros bon sens teinté de son subtil humour.
Pour le grand bonheur de son large public, elle nous est revenue (à l’orée de sa ménopause ?) après quatre ans de cogitation sur les problèmes des femmes dont elle incarne, en actrice chevronnée, un étalon qui a osé passer à l’acte. Tissée sur un gros malentendu, sa pièce nous parle avec dérision mais beaucoup de tendresse de chacune d’entre nous, engoncée dans notre quotidien et qui rêve, un peu trop souvent, de tout plaquer et de s’en aller.
Tablant sur l’émotion et la justesse du ton, s’appuyant sur des situations comiques, les messages qu’elle passe sont pourtant profonds et révèlent les aspérités de la vie conjugale non seulement de nos compatriotes mais de toute mère au foyer qui s’inquiète sans arrêt pour les siens, pourvoie à leurs désirs, leur offre ses jours et ses nuits, oublieuse de ses propres besoins malgré ses récurrentes crises de tout balancer.
Avec sa force de tabler sur les émotions et de manipuler adroitement l’humour, Betty Taoutel a le tour pour faire passer des messages importants. C’est avec son génie de dramaturge qu’elle met en scène l’intrigue, à l’aide de trouvailles truculentes et de réparties judicieuses qui dépeignent notre vécu, le comparant à ces pinces à linge qui assurent au drap la sécurité d’être bien accroché, tout en lui permettant de battre le vent, comme pour s’envoler, sans jamais pouvoir y arriver.
Avec son colistier Dr. Jacques Mokhbat, imperturbable dans le rôle d’emmerdeur, les deux acteurs redessinent pour nous, à la manière du film « Sur la route de Madison », le petit rêve de la bonne ménagère, sans que jamais par contre cet homme qui s’installe dans sa vie ne puisse la faire décoller de sa réalité, certifiant bien l’ambiguïté de ces femmes à un certain stade de leur parcours.

Oscillant entre sa rageuse réalité d’être constamment sollicitée et l’évanescent rêve d’une romance (admirablement imaginée dans une très belle scène poétique) qui lui rendrait sa féminité; entre les bip bip de son cellulaire qui symbolise tous les liens qui la ligotent, qu’elle essaye vainement d’ignorer sans jamais arriver à le faire taire (et qu’elle jette rageusement dans les toilettes pour en finir !) et ce compagnon de fortune qu’elle s’acharne cependant à cantonner dans son rôle perturbateur, sans jamais penser à une quelconque idylle qui pourtant répondrait à son besoin d’émancipation, la femme, qui se shoot au vin pour s’oublier, exprime bien la lassitude profonde et tous les désirs enfouis de celles qui sont aux prises des bouffées de la ménopause.
Une pièce de pur plaisir dans laquelle les femmes se reconnaitront et que les hommes devraient voir pour (enfin ?) comprendre un peu plus ce que leur « douce moitié » éprouve et désire.
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