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Confessions en temps de Corona : Aurélien Zouki

10/04/2020

Aurélien Zouki, co-fondateur du Collectif Kahraba et Hammana Artist House

 

Pensez-vous que cette situation va amener à un changement ? et si oui, comment ?

Le changement est déjà en train de s’opérer, à nous maintenant de l’emmener vers la bonne direction !

Un tel évènement mondial est peut-être l’occasion pour que chacun se pose la question des changements auxquels il aimerait participer à partir de maintenant. 

Et si nous avons été en majorité capable d’obéir aux injonctions des autorités pour se protéger d’un virus, pourquoi ne pourrions-nous pas avoir la même discipline, par choix, pour avoir un mode de vie plus respectueux des uns des autres, de la planète, de la biodiversité, tout autant essentiels à notre survie ? 

Ce confinement nous rappelle que rien n’est impossible, même la course effrénée du capitalisme et du gain peut être suspendue... alors, il est peut-être temps que chacun s’éveille à l’incroyable force dont il dispose, prendre en main sa responsabilité individuelle au sein de ce qu’est devenue notre vie collective, et choisir quel mode de société nous voulons défendre. Aujourd’hui, avec l’apparition de cette crise, ce sont les plus démunis qui sont laissés pour compte, Google propose dans certains pays d’instaurer le cyber-flicage, et l’accès aux soins n’est toujours pas un droit accessible à tous…

Est-ce vraiment de ce monde dont nous avons envie ?

 

De quoi est fait votre quotidien en temps de confinement ?

Le travail ne s’est pas arrêté, ni pour Hammana Artist House, ni pour Collectif Kahraba. Nous sommes toujours en travail avec l’équipe, chacun depuis chez soi. L’essence même de notre travail est dans la rencontre, alors évidemment toute action concrète est en stand-by. Mais on se concentre sur d’autres chapitres : l’écriture de dossiers, ouvrir les conversations de fond avec les uns ou les autres, re-questionner nos projets, nos rêves, en imaginer d’autres, plus audacieux, avec cette conscience accrue de notre fragilité.

Et puis bien sûr, je suis comme tout le monde, j’ai des moments d’abattement, d’enthousiasme, de colère, de doutes, d’envie de regarder un film bête en mangeant des pop-corns, et je regarde toujours telle ou telle armoire sans pouvoir me résoudre à enfin la ranger…

 

Des petits bonheurs simples d’une vie active, qu’est-ce qui vous manque le plus ?

Les rencontres humaines, il y a tellement de choses qui s’échangent au-delà des mots, au-delà de ce que l’on se dit, de ce que l’on comprend. J’ai envie de citer Felwine Sarr qui exprime bien ce que je ressens : « Etrange temps où l’on se rend aussi compte que vivre est au-delà de se maintenir en vie, c’est aussi vivre avec, c’est être relié aux autres. » La connexion en ligne ne remplace en rien ces liens.

 

Qu’est-ce qui ne vous manque pas ? 

Le temps perdu à faire des démarches absurdes parce que nous vivons dans un pays corrompu qui a favorisé le clientélisme aux dépends de la culture du bien commun, qui n’a pas entrepris les réformes qui faciliteraient la tâche de la société civile.

Ce qui ne me manque pas non plus (et parce que malheureusement toujours présent) le racisme et la haine communautariste qui s’exprime encore même dans cette situation.

 

Pour tromper l’ennui que suggérez-vous à nos lecteurs comme : 

Peut-être pour une fois faut-il justement ne pas chercher à le tromper ? Prendre le temps du silence ? Se donner l’occasion de ce sursis pour retrouver le fil d’une écoute de soi ?

Enfants, pendant la guerre civile, nous nous sommes ennuyés durant de longues heures quand il fallait rester à l’abri du danger, et j’ai toujours pensé que c’est là que se forge l’imagination, le rêve, et le désir de participer à la construction d’un monde qui se rapprocherait de cette image rêvée.

Je suis très mal à l’aise vis-à-vis de cette frénésie à vouloir vite remplir l’espace de disponibilité mentale par des offres nouvelles et qui rentrent en compétition avec tout ce qui était déjà en ligne. Peut-on ne pas tomber nécessairement dans une autre forme de consommation ?

Il y a des artistes qui travaillent déjà en ligne depuis longtemps et qui mériteraient bien d’obtenir cette visibilité. Entre autres la webserie Zyara nous invite à poser un autre regard sur notre société et les héros qui l’animent. https://www.facebook.com/homeofcinejam/

En bande dessinée, l’illustratrice Lisa Mendel, qui connait bien le Liban, poste chaque jour une page de son « année exemplaire » www.lisamandel.fr

On peut aussi regarder ce qui se fait déjà en termes de création de nouvelles formes de vie en société : https://www.colibris-lemouvement.org

 

Un mot d’encouragement

Ne pas succomber à la peur, et se rappeler que nous étions il y a quelques mois seulement des millions dans les rues de nombreux pays à dénoncer les systèmes corrompus, injustes et non-solidaires. L’espoir vient déjà de là.

 

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