Christiane Dagher, LES MOISSONS DU SOLEIL La Diaspora est une leçon de courage
18/11/2021|Nelly Helou
Nous sommes en 1916, la Grande famine s’abat sur le Mont Liban occupé par le puissant Empire ottoman. Fuyant la misère, Youssef embarque à bord d’un navire vers un ailleurs qu’il ne connait pas mais qu’il espère meilleur. Il arrive finalement en Afrique où il va s’efforcer de surmonter tous les obstacles avec détermination et bravoure. Le sort de toute une famille s’en trouvera transformé.
Le roman est certes le fruit de l’imagination de l’auteure telle qu’elle le souligne, bien qu’inspiré des histoires vécues de ces libanais qui ont donné à leur petit pays une dimension qui a largement dépassé ses frontières. Certains noms de lieux sont réels dit-elle d’autres comme Kfarbab sont nés au cours de l’écriture, tout comme certains faits et personnages ont été revus et modifiés pour s’intégrer au récit. Quant aux moments historiques, ils ont été puisés dans les livres et les documents qui témoignent de l’évolution des pays et des turbulences qu’ils traversent.
Toujours poussés vers d’autres rives
C’est à croire que nous sommes condamnés à vivre dans le doute et dans l’exil, toujours poussés vers d’autres rives affirme l’auteure. En se penchant sur notre histoire, on revoit encore et encore les regards qui se détachent de nos montagnes et de nos côtes en s’éloignant sur le dos de ces bateaux qui vont se fondre dans le bleu de la Méditerranée ou plus récemment, à bord de ses avions qui les emmènent au loin. Youssef était parti aussi. Il avait fui la grande famine de 1916 en promettant de revenir. Comme beaucoup d’habitants de son village, c’est en Afrique qu’il commencera une nouvelle vie. La trajectoire de toute une famille s’en trouvera changée.
Les moissons du soleil, roman riche en personnages attachants et en péripéties raconte l’épopée de cette famille sur le continent noir et témoigne de la vitalité de la diaspora. D’espoir et de promesses sont faites leurs vies, il fallait résister à l’appel des racines, derrière les comptoirs, des boutiques, sur les pistes sablonneuses et sous les soleils chauds. D’autres cultures se frotteront à la leur, d’autres langues et dialectes. Ils sont peut-être nés pour partir, mais toujours avec un espoir enfoui quelque part en eux, cet espoir du retour vers une nation qui s’accrochera enfin à ses enfants.
Née en Guinée en 1962 Christiane Dagher est envoyée par ses parents au Liban a l’âge de cinq ans pour faire sa scolarité comme beaucoup de fils d’émigres. En 1976 à cause de la guerre elle rejoint à nouveau sa famille désormais installée au Sénégal. Au début des années 80 elle choisit de revenir au Liban et inchallah pour y rester, dit-elle.
Elle dédie ce premier roman a son père.
Rencontre
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce roman
C’est pour ne pas oublier, pour rendre hommage à mon père, à ma famille, a tous ceux qui sont partis en promettant de revenir. Il y a bien sur une grande part de fiction quant aux personnages et à certains faits mais les lieux restent réels.
Ya-t-il une part de votre vie personnelle dans le livre
Je me suis inspirée de la vie de tous ceux qui sont partis, amis, voisins, famille et de mes souvenirs sur la terre africaine.
Que représente le choix du titre
Les Moissons du Soleil ramène aux jours de labeurs sous le soleil chaud d’Afrique, derrière les comptoirs, des boutiques ou encore sur les pistes de sable que les camions sillonnent.
Qu’avez-vous appris de la Diaspora
La diaspora est une leçon de courage, d'humilité et de persévérance pour nous tous.
Vous gardez foi en l’avenir du Liban
Oui, la solidarité peut tout changer. Nous devons tous nous donner la main pour ce pays que nous aimons tant et ne pas être encore et toujours condamnés à partir. Le Liban doit apprendre à retenir ses enfants, c'est grâce à eux que nous pourrons moissonner la terre et la vie.
Avez-vous un message à transmettre surtout en ces temps bien durs que vit le Liban ?
Les départs sont toujours très douloureux et quand ils deviennent inévitables, ils bouleversent toute une vie. Notre terre est généreuse et son potentiel est grand, on devrait tous en profiter.
Est-ce que vous préparez un prochain roman
Oui je suis sur la piste d’un nouveau roman mais je ne sais pas encore ou il me mènera.
A savoir
Calima
Edition artliban
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