Chérine Yazbeck – « Je suis mort ce jour-là »
30/08/2022|Maureen Dufournet
Une nouvelle partie des silos à grains du port de Beyrouth s’est effondrée fin août, deux ans après le drame les souvenirs sont encore déchirants. Ces souvenirs, c’est ce qu’a décidé d’immortaliser Chérine Yazbeck, photojournaliste libanaise. En poursuivant des études de production filmatographique à Paris, elle collabore avec d’importants médias internationaux. Après avoir photographié différents conflits dans le monde, elle revient à Beyrouth pour raconter l’histoire de sa ville. En 2013, elle exposa ses images à Plan Bey la série de photographie intitulée « Beyrouth, destroy » qui raconte la destruction de la capitale libanaise de 1991 à 1996.
La destruction de Beyrouth a toujours fait partie de sa vie. Tout a commencé lorsqu’elle avait cinq ans et que la guerre civile ravageait sa ville natale. Très vite, elle comprit ce que la peur et la destruction signifiaient, des sentiments qui la poursuivent et la construisent aujourd’hui.
C’est guidé par cette vie éphémère que Chérine s’initia à la photographie. Elle commença à immortaliser ce qu’elle voyait, des personnes, des paysages, des quartiers… Puis avec le temps, son Canon AE-1 devint l’extension de sa propre main. Photojournaliste en devenir, elle transformait ses émotions, ses visions du monde en clichés stupéfiants.

Sa dernière exposition « Je suis mort ce jour-là », honore les âmes des défunts de Beyrouth du 4 août 2020. C’est à travers de vêtements pris au piège, de foulards au sol, de bonnets de marin abandonnés ou encore de bottes militaires délaissées, que Chérine donne vie au port depuis deux ans. Des clichés simples, précis, des détails d’une vie passée que chacun peut imaginer. Les suppositions sont de mise pour écrire son propre récit, raconter à sa manière les événements.
La photographe va encore plus loin dans ses suggestions et nous propose une véritable enquête. Elle donne à comprendre dans le but de savoir, elle veut connaître la vérité. Elle se plonge alors, dans une forme d’urgence de loyauté envers ces individus qui ont perdu la vie, sous les débris de leur ville. Et c’est ainsi que son appareil devînt un outil scientifique et ses clichés des photographies forensiques. Les bouts de tissus, les chaussures, les morceaux d’outils, deviennent les pièces à conviction d’une enquête bien complexe. Tous ces indices sont aujourd’hui le témoin direct de la violence insolite qu’a bercée le port en cette fin de journée estivale. Offrant une véritable source de souvenir, ces photographies rendent hommage aux vies perdus, à celles chamboulées et à celles oubliées. Et c’est justement ce devoir de mémoire qu’a en tête Chérine, pour elle, ses clichés sont des traces qu’il faut conserver avant qu’elles ne se décomposent. Ce sont des souvenirs d’un port, jadis habité par la joie de vivre et aimé de tout cœur.
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