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Beyrouth by day: Mar Mikhaël

07/10/2020

C’est peut-être la proximité de la mer qui donne à Mar Mikhaёl de faux airs de village de vacances. C’est peut-être aussi le charme suranné des maisons à deux étages qui procure cette sensation de liberté et d’espace. Ayant pris le nom de saint Michel, le saint patron de l’église, Mar Mikhaёl, que les architectes baptisent entre eux le soho libanais, n’est pas qu’un prolongement de Gemmayzeh et, depuis longtemps, les artistes y ont installé leurs ateliers et leurs inspirations. C’est un petit voyage bohême donc que de se balader le cœur léger dans des rues préservées, de côtoyer un « Studio lumière », des petits commerces charmants, des arbres épanouis, une église lumineuse et des riverains habitués aux soupirs extatiques des citadins désespérément en manque d’authentique. 

 

Sarkis Tétirian fait indiscutablement partie de « l’ambiance » de Mar Mikhaël et sa petite boutique, mi-cordonnerie, mi-bureau, ne surprend que les « touristes beyrouthins » qui hantent les vieux quartiers à la recherche du temps perdu. Cet ancien boxeur qui participait aux championnats nationaux est en réalité physiothérapeute. « Je travaille parfois comme cordonnier mais, sinon, j’ai mes clients chez qui je me déplace mais aussi ceux qui viennent chez moi se faire masser. Je fais encore beaucoup de sport. Avant, je courais tous les jours vers 4 heures du matin. Maintenant j’ai vieilli, je ne cours plus. Je me maintiens en forme. Je ne bois pas, ne fume pas et je mange beaucoup de fruits. Vous savez, le corps c’est comme la voiture, il faut préserver la mécanique. Je suis né ici, et Mar Mikhaël, c’est Mar Mikhaël. Le quartier n’a pas beaucoup changé. » 

 

 

Mar Mikhaël c’est aussi et surtout la gare. Bien que géographiquement, elle se situe plutôt dans le quartier de Khodr, qui oserait changer le nom de ce symbole d’un temps révolu où des locomotives fantômes nous emmènent ? Embarquement immédiat vers hier au rythme de l’horloge Paul Garnier qui fonctionne encore. Envahie par les herbes folles, la gare n’en a pas moins fière allure. Les wagons et les voies ferrées, les bâtiments restaurés, et surtout le vague projet de remettre tout cela sur les rails font rêver ceux qui ont connu le temps du chemin de fer et ceux qui se voient déjà parcourir, sans s’arrêter, le chemin côtier qui les emmènera vers Tripoli ou Tyr, confortablement assis dans un fauteuil avec le bord de mer comme compagnon de route. Et l’histoire du chemin de fer est une belle histoire, une histoire de politique et de géographie, d’échanges et d’espoirs, une histoire d’hommes et de machines. 

 

On peut dire que la création du chemin de fer découle directement de la concession de la route carrossable entre Beyrouth et Damas à une société française. Très vite, la route devient engorgée et la nécessité de créer une ligne de chemin de fer se fait sentir. Le 4 janvier 1892, la Société des chemins de fer ottomans économiques de Beyrouth-Damas-Hama en Syrie voit le jour, sous la direction de Hassan Beyhum. La ligne est ouverte le 3 août 1895. Le premier train parcourt en moins de neuf heures les 174 km qui séparent les deux métropoles. En 1902, une voie métrique relie Rayak à Homs et Hama et, en 1909, la construction de l’embranchement Homs-Tripoli est complétée. La société devient française et prend le nom de Société des chemins de fer Damas-Hama et prolongements. En 1903, la compagnie portuaire inaugure la gare qui constitue le terminus des lignes de chemin de fer Beyrouth-Damas. En 1942, c’est Nakoura et Tripoli qui sont reliés par les voies ferrées. Aujourd’hui, on parle de plus en plus de la réhabilitation d’un chemin de fer côtier au Liban pour désengorger le trafic.

 

A l’abri d’un énorme saule dont les feuilles effleurent délicatement le fer rouillé des locomotives, Khodr promène sa dégaine et sa mélancolie. « Le projet de réhabiliter les voies métriques ? Ce serait bien de reproduire le nou-bé-ta c’est-à-dire la ligne Nakoura-Beyrouth-Trablos. Mais il n’y a plus de rails sur le littoral. Les plages illégales ont pris toute la place. Actuellement, il y a un projet de liaison ferroviaire entre Alep et Rayak qui devrait finir en 2011. Mais il y a beaucoup de retard. Pourtant l’idée de rejoindre l’Europe en train était belle. Tu prends le train de Rayak, à la frontière libanaise, jusqu’à Alep puis tu changes de rails sans changer de voiture, tu arrives en Turquie et tu rejoins l’Orient-Express. Un rêve. Sinon, à part réhabiliter les bâtiments, le ministère des Transports n’a pas vraiment de plans pour la gare. On pourrait y organiser des soirées ou aménager un jardin public ou encore un café. Pourquoi pas ? C’est un très grand espace vert qui n’est pour l’instant habité que par les serpents. Ah, et j’oubliais les oiseaux. Je viens souvent pour attraper les chasseurs en flagrant délit. » 

 

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