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Reels of Beirut : des archives comme clés de lecture du présent

Art

EXPOART
21/06/2022|Louise Servans

Pour sa première exposition, le réalisateur et auteur Hady Zaccak investit le Mina Image Center pour plonger les visiteurs dans des trésors d’archives de films montrant le Beyrouth des années 30 à 70, dans une scénographie moderne et minimaliste. Répartie sur cinq espaces, l’exposition met l’accent sur cinq lieux de la capitale, détruits et transformés avec le temps et les évènements, mais toujours aussi symboliques. 

Né à Beyrouth, à la veille du déclenchement de la guerre, Hady Zaccak a grandi avec cette rupture entre son Beyrouth, détruit et meurtri, et celui qu’il ne connaissait qu’à travers des images idéalistes, des récits, et des souvenirs des autres. C’est de cette dissonance que lui vient l’envie, le besoin même, de se lancer dans ce qu’il qualifie de “fouilles archéologiques”, en quête de réponses. “Dans notre mémoire collective, c’est comme s’il y avait une carte postale, et qu'elle avait été brusquement détruite. Mais on oublie qu’une carte postale n’est qu’un objet touristique qui occulte la pauvreté, et les problèmes qui ont conduit à cette destruction. C’est ce qui me donne envie de déstructurer ce discours stagnant et d’enquêter grâce aux images sur les raisons de ces explosions multiples.” Pour le réalisateur, le pouvoir des films pour témoigner des préoccupations des sociétés passées mais aussi pour présager les défis futurs, est considérable. Les images présentées dans la salle consacrée aux archives du port par exemple, laissent au visiteur l’impression qu’il a toujours été un haut lieu de criminalité, avec des dizaines de scènes de trafic de marchandises, d’arrivées clandestines, de courses-poursuites, lui suggérant peut-être ainsi un destin douteux. De cette même salle, le visiteur peut d’ailleurs observer par la fenêtre ce qu’il en reste aujourd’hui. 

Alors face à ces images, quelle place laisser à la nostalgie ? Pour tous ceux ayant connu ces jours passés, qu’ils soient illusoirement meilleurs ou non, il est souvent difficile de ne pas se laisser aller à un certain spleen. Hady Zaccak explique qu’il souhaite plutôt s’insérer dans une démarche de dialogue. Aucun jugement de valeur n’est imposé au visiteur de l’exposition. Les images de toutes nationalités et de tous genres de films se juxtaposent à la suite, laissant la voie libre au spectateur pour faire ses propres interprétations et observations. “Je pense que ces interprétations diffèrent justement beaucoup d’une génération à l’autre.” Avec le temps, le réalisateur ajoute d’ailleurs qu’il se sent lui-même de moins en moins enclin à la nostalgie, et qu’il appréhende les archives avec davantage de recul. C’est ce qu’il remarque en filmant les dégâts causés par l’explosion du 4 août 2020, dans ces mêmes lieux qu’il avait déjà filmés en ruines trente ans plus tôt.  “Nous vivons dans la destruction constante, et la transformation rapide de ces lieux en archives. Le côté cyclique, le fait que tout se répète constamment, nous rend presque apathiques.” 

À travers les différentes scènes sélectionnées pour l’exposition, on mesure aussi les différences de représentation du Liban selon l’origine des films. Dans l’espace de l’exposition consacré aux hôtels beyrouthins par exemple, le visiteur peut voir des dizaines d’acteurs occidentaux stars de l’époque, tels que Jean-Paul Belmondo ou David Niven, défiler dans les piscines, les terrasses et salons du Saint Georges ou du Phoenicia, qui servaient de décor à des courses-poursuites et scènes d’espionnage sur fond de Guerre Froide. Hady Zaccak explique que les films occidentaux, tels que ces « eurospy » des années 60 et 70, cherchaient à montrer une image orientaliste du Liban, avec des symboles souvent caricaturaux tels que les souks, les marchés populaires, les autochtones en habits traditionnels, les danseuses orientales de la “ville du pêché”. Autant d’éléments que les films locaux de la même époque dissimulent au contraire, par manque de moyen, mais aussi à des fins quasi promotionnelles. 

Pour s’évader dans le passé, et se remémorer toutes ces histoires que Beyrouth racontait, raconte et racontera encore, l’exposition se tient jusqu’au 20 juillet. 

 

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