Les voyages forment la jeunesse et la sagesse, la vieillesse. Et les deux vous mettent face à certaines réalités. Comme celle que : ‘‘Non, il n’y a pas de pays plus heureux que d’autres’’. Parce que là où il y aurait du travail, il y a souvent de la détresse ; alors que là où il y a des difficultés, il y a toujours de l’espoir. Force est de croire que là où on peut réaliser ses rêves, on ne rêve plus ; alors que là où on lutte, on aime encore, du moins le peu qui nous reste. Quand on surfe, souvent on finit par tourner en rond, et bien qu’ailleurs on ploie, la vie a encore un sens.
Non, je ne crois pas qu’il y a des îlots de sécurité. Il y a des enclos sécuritaires et des solitudes profondes. Il y a des déserts d’amour qui se cachent dans la réussite matérielle et des océans de tendresse dans bien des logis modestes qui résistent. Il y a des maisons nickel sans chaleur et des foyers ardents dans des taudis sordides. Il y a des palais dépouillés d’affection et des puits de solidarité sur des corps décharnés.
Non, je ne crois pas qu’il y a des endroits sur terre où il fait bon vivre plus qu’ailleurs. Mais il y a des espaces de bonheur partout à faire fructifier.
En ce temps de résurrection, abreuvé de recommencement, de renouveau et de renaissance, comment continuer à espérer ? A attendre que le vent tourne ? Par quel miracle, l’eau redeviendrait-elle claire, et la planète, bleue et la terre ce jardin où il faisait bon vivre ? Quoi faire, qui implorer, à quelle porte taper, quelles règles imposer, quelles prières réciter pour que l’être humain retrouve son humanité ?
Par quoi commencer pour s’en sortir ?
Par faire l’imbécile et agir comme si tout était bien.
On ne raconte pas les mauvaises histoires. On ne dramatise rien. On oublie ce qui ne va pas et on ne colporte que les rumeurs gaies. On recherche les blagues drôles et on s’appelle pour se les partager. On ne lit pas les infos politiques, économiques et autres horreurs tout aussi dramatiques. On ignore les achats, les acquisitions et ce qui nous encombre. On se fait caresser par les rayons du soleil et on prend dans ses bras celui ou celle qu’on aime, parce que c’est tout ce qui compte. On dit oui à tout, on ne refuse rien, même si c’est les bisous mouillés des vieux à qui on manque. On rit avec des inconnus, on voit tous les collègues beaux, eux et leurs histoires de cœur, on achète un croissant à la concierge et on éteint ses écrans en public. On joue la carte de l’innocence et on compte sur la contagion pour propager le tout. Surtout, surtout, on pratique l’abstention, la négation, la renonciation à toute dénonciation d’une quelconque machination.
Logiquement, ça devrait marcher. Car si on fait comme si tout allait bien, on finira bien par déjouer les plans de ceux qui nous traitent comme des infimes particules de merde. On se donne une semaine pour tester la technique ?
Gisèle Kayata Eid
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