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Retour #2

30/06/2021|Gisèle Kayata Eid

A mon retour au Liban, après une quinzaine de mois d’absence, il y a une question qui revient invariablement : « Chou, comment tu as trouvé le pays ? » 

Question piège. 

Si je devais ne dire qu’une chose, ce serait l’impact de ce 4 août de malheur sur pratiquement tout le monde. Il y en a qui tenaient le coup, mais qui après l’hécatombe, n’ont plus voulu rien savoir et ont essayé avec plus ou moins de succès de quitter ou de se préparer un avenir ailleurs. Beaucoup sont anéantis par la destruction de leurs biens, de leur maison, de leurs voitures ou de leurs lieux de travail. Parallèlement et à des degrés plus ou moins tragiques, la majorité souffre de ne plus pouvoir travailler « comme avant ». Alorsils trainent, ouvrent boutique sporadiquement ou ferment leur échoppe définitivement. Il y a les colériques, les révoltés, les dégoûtés, les sans le sou, les nouveaux mendiants… Tous dans la dignité. « Ça va. Jusqu’à maintenant nous tenons le coup ». « Sans viande, sans poulet, sans poisson, sans jambon, sans fromage… Ça va… Mais jusqu’à quand ? ». Il y a les courageux qui prennent leur croix et avancent « encore une fois », sans eau, sans courant, sans essence, sans revenu, avec juste le souvenir d’être passés par là. « Nous en avons vu d’autres ».

Et il y a ceux qui ont été atteints dans leur chair juste pour avoir été là.

Chacun raconte une histoire qui a elle seule mériterait un roman. Et, contrairement à ce que j’aurais pu imaginer, ce n’est pas la peur qui les a gagnés. Mais la consternation, la sensation d’avoir vécu l’apocalypse… et d’en être revenus. Ceux qui ont échappé « par miracle » font légion. « J’aurais dû être décapité par la baie vitrée ». « Je ne sais pas ce qui m’a poussée à me lever et échapper au mur qui se serait effondré sur moi ». Pratiquement tous ont eu un instant d’inconscience. « Je ne sais pas ce qui m’est arrivé ». « Il y a quelques secondes certainement où j’ai dû m’évanouir ».

Mais dans cette nébuleuse indescriptible des sensations, il y a un témoignage qui m’a marquée : « Alors que je m’approchais de l’EDL (électricité du Liban, face aux silos démolis), j’ai vu l’énorme champignon et j’ai tout de suite compris que je vivais une bombe atomique. Pour avoir vécu la guerre et les obus, je savais que j’allais encaisser un coup fatal. Le temps d’essayer de penser quoi faire, ma voiture a été projetée comme un missile. Là, je ne sais plus. Je me souviens que j’avais du sang partout qui provenait du bas de mon visage. J’ai réalisé que je n’étais pas morte, mais que cela ne prendrait pas beaucoup pour que ma carotide que je croyais coupée ne le soit complètement. Je me suis étendue, j’ai posé ma main sur ma joue pour me rendre compte après quelques instants que c’était mon visage qui saignait et pas ma gorge » … Les détails qui ont suivi sont comme ceux de tous ces rescapés, ces blessés qui ont essayé de rejoindre un hôpital. Mais, ce qui m’a impressionnée dans cette histoire, c’est la conclusion de celle qui me l’a racontée : « J’ai senti que la mort avait traversé mon épaule et le haut de mon corps… Mais elle ne s’est pas arrêtée là. Elle m’a effleurée pour aller plus loin. En cet instant, j’ai réellement senti mon âme sortir de mon corps… Et ça, même si c’est difficile à croire, moi je l’ai vécu en pleine conscience. Depuis, je suis intimement connectée à Dieu. Chose qui ne m’était jamais arrivée. Ce 4 août a été finalement un moment de grâce. Je suis morte et j’ai ressuscitée. »

Qui disait que le Liban était une terre sacrée ?

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