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Rencontre avec Bachar Mar-Khalifé

27/02/2020|Laura Trad

Comment vous sentez-vous à l’idée d’aller au Liban pour le festival Beirut & Beyond, dans les conditions politiques actuelles ?

Le festival était prévu pour décembre mais a dû être reporté en raison des événements, et j’ai ressenti une tristesse infinie à l’idée qu’il a failli être annulé. Ça m’a donné beaucoup de joie et de force que ce festival ait pu rebondir et trouver les moyens de créer cette édition. J’espère à mon tour donner cette joie et cette force aux gens qui seront là et à tous les festivaliers. 

 

Vous êtes un artiste de renommée internationale, qui va bientôt jouer à la Philharmonie de Paris. Qu’est-ce-que cela signifie pour vous de passer de la France au Liban, et de soutenir un festival local, de musique alternative ? 

Pour moi, c’est vraiment le même investissement, la même envie et pression, que ce soit dans une petite salle ou dans une grande salle, à Paris ou à Beyrouth …. Je dirais même évidemment un peu plus à Beyrouth. Paris c’est là où j’habite et Beyrouth c’est là d’où je viens donc c’est vraiment deux villes particulières pour moi.

Après, je crois que le public se transforme avec moi sur scène et on crée un territoire qui n’appartient ni à la ville ni au moment auquel on est en train de participer. On crée un nouveau territoire et un nouvel espace-temps. C’est ça la beauté d’un concert, échapper à ce qui est concret. 

 

Quels sont vos futurs projets ? Pouvez-vous nous parler de votre prochain album ?

Même si le festival a été reporté, je suis venu passer 20 jours au Liban, en décembre, pour enregistrer mon nouvel album. Je n’ai pas fait ça dans un studio, je tenais à l’enregistrer à la maison dans la montagne, chez moi. Ça fait un moment que cette maison « m’appelle », elle est située assez loin, déconnectée d’internet, de la télévision, de la route aussi, vu qu’elle est très difficile d’accès. De même pour l’électricité et l’eau – bon même si c’est toujours un peu le cas au Liban – mais là il fallait soi-même mettre le mazout, remplir les cuves d’eau sur le toit, allumer la cheminé et la poêle tous les jours … je voulais être dans le dur parce que j’avais besoin de me connecter. C’est un bien-être physique et psychique d’être loin de tout et en même temps d’être connecté à des choses très simples. Pour moi, c’est là que l’on trouve l’âme d’un pays, dans les pierres, la forêt, le voisinage toujours prêt à aider à n’importe quel moment. 

 

C’est intéressant que vous parliez d’âme aussi, surtout quand on pense à ce qui a débuté les manifestations au Liban, que ce soit juste après les incendies qui ont brulé les forêts.

Ce n’est pas anodin ... Les incendies ont étés une souffrance terrible pour beaucoup de gens qui se sont rendus compte que le pays était en train de brûler, physiquement, et qu’il brûlait depuis des années. Le cèdre qui brûlait, c’était une sonnette d’alarme.

 

 

Et ce nouvel album, que vous avez créé dans ces conditions particulières, marque-t-il un changement, ou une évolution dans votre style ?

Il y’a deux vérités à chaque fois que l’on fait album. La première, c’est qu’il y a toujours un élément qui vient de quelque chose de très profond en moi. Et la deuxième, c’est que les choses changent, grandissent, et chaque parcours contient forcément des différences. Mais il s’agit aussi d’une continuité, et le lieu me permet d’aller au plus profond, loin d’un certain confort, et d’une certaine conformité. Il s’agissait de contrer mes habitudes et d’aller vers quelque chose qui m’intéressait, là où je n’avais pas prévu d’aller en fait… et puis d’ouvrir une nouvelle porte parce que ce qui est assez angoissant en musique, c’est de refaire les même choses … C’est ça qui me terrifie et que j’essaye très souvent d’éviter, parfois à un prix assez élevé. 

 

 

Vous venez d’une famille d’artistes et vous avez suivi une formation classique, est ce que vous avez dû vous détacher de cette formation et de cet environnement pour trouver votre propre voix ? 

C’est un travail quotidien et des questions permanentes. Je dirais qu’au départ, pour mon premier album, ça a été un revirement assez violent, une forte remise en question pour affirmer une naissance. Mais par la suite ce sont des vagues… je n’ai jamais renié d’où je venais, et j’ai essayé de comprendre à quel point j’étais influencé et à quel point je pouvais m’en détacher pour créer quelque chose à partir de rien. C’est toujours des questions sur lesquelles je travaille mais beaucoup plus sereinement qu’au départ. 

 

Vous allez bientôt jouer à la Philharmonie avec votre père, Marcel Khalifé. À quoi va ressembler cette collaboration ?

Je n’ai pas été sur scène avec mon père depuis 2016, et je me suis dit que le moment allait venir de provoquer quelque chose de nouveau. Je lui ai proposé de venir vers lui avec mon groupe, mes musiciens, mes arrangements, et relire son répertoire dont je suis le « premier fan ». Lui aussi est toujours à la recherche de nouvelles façons de se mettre en scène. Au final cela s’est fait de façon naturelle, nous avons eu le temps de poser un regard nouveau sur notre relation et sur le parcours loin de l’autre. Ça a donné un résultat qui peut paraitre un peu fou, un peu osé – et c’est tant mieux je crois, on est très heureux de se retrouver sur scène. 

 

Ce projet est aussi un hommage à Mahmoud Darwich ?

Mahmoud Darwich fait partie de mon histoire, et de mon enfance, de mon père. Depuis tout petit, j’ai accompagné mon père dans ses tournées et ses chansons faisaient partie de mon enfance sans pour autant comprendre les paroles. Même aujourd’hui j’apprends tous les jours, plus je me penche sur certaines chansons, plus je découvre des choses à la fois dans cette musique et dans ce répertoire poétique. 

Aujourd'hui je comprends mieux aussi beaucoup de choses dans leurs relations. J’ai connu enfant Mahmoud Darwich comme un grand oncle assez drôle. Mettre tout ça sur scène c’est emmener mon jardin à là où j’en suis aujourd’hui et à un nouveau public qui ne connait pas forcement cette histoire et n’a pas eu accès à cette politique, ou à cette poésie, de cette manière-là.

 

 

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