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Noha Hatem : « La professeure-sourire » qui ne cille pas

25/05/2021|Julia Mokdad

Toute sa vie, Noha Hatem a accueilli ses petits choristes les bras et le cœur ouverts. Mais elle ne les refermera pas sur eux. En les invitant dans son espace chaleureux, c’est avec une bienveillance immuable qu’elle démolit murs et portes de leurs chemins. Chez elle, ce sont les enfants qui écrivent leur histoire, un vers après l’autre - ou qui décident ne pas le faire. « C’est un chœur d’enfants qui n’appartient à personne ». Noha sourit avec une nostalgie assumée. « Pas même à moi. Il n’appartient qu’aux petits libanais ». Pour entrer dans son école de chant donc, aucun critère de sélection, si ce n’est celui de la motivation, de l’envie. « Certes, il existe chez certains un terrain propice - celui du talent » affirme Noha. « Mais c’est le travail fourni qui fera la différence : la concentration ; la justesse, sur laquelle nous travaillons méticuleusement ; la prononciation ; mais surtout le message à faire passer. Et pour ça, il faut que l’élève fasse délibérément son choix. Qu’il dise « je veux rester, et je l’assume »

 

Assujettir le maintenant

Elle-même ancienne membre des petits choristes de Beyrouth, Noha Hatem regrette de constater que le sentier vers son atelier soit de plus en plus ardu. Internet, manque d’éducation culturelle, crise économique : l’énumération pléthorique n’aura cependant pas raison de son entêtement. « Notre chorale s’inscrit dans l’ère du temps. Chanter, c’est vivre son époque » rappelle-t-elle. Dans ses rangs, des notes de Mozart et des couplets de Vivaldi, certes, mais le répertoire est aussi un enchevêtrement de variétés françaises - de Maxime le Forestier à Barbara en passant par Anne Sylvestre - de chansons anglaises, allemandes, arabes, voire italiennes, que le public écoute avec délectation, les frissons à bout de bras. 

 

Habituellement, un chœur doit se produire sur scène à raison de deux fois par an, au minimum. Mais la tourmente actuelle qui frappe le pays des cèdres a renversé les chiffres des calendriers. Cela fait deux années consécutives que la fête de la musique déclare forfait, laissant aux enfants la période de Noël comme seul horizon pour faire frémir leurs cordes vocales. Une réunion sacrée - presque religieuse - qui n’invite pas les confessions, mais qui s’élève et se scelle dans la passion du chant. 

 

Les enfants au cœur du chœur

Pour Noha Hatem, il n’y a pas de métaphore. Un enfant est un enfant. Elle le répètera inlassablement lors de notre rencontre, comme une ponctuation indiscutable à chacune de ses phrases. Un enfant est un enfant, et c’est assez. Pas besoin de l’habiller de la situation financière de ses parents. Pas besoin de l’orner des retombées accablantes de son pays. « Parfois je remarque un petit garçon ou une petite fille, qui a ce qu’on appelle la voix blanche. Si ses parents n’ont pas les moyens de l’inscrire, nous leur proposons une gratuité totale, car nous œuvrons ici pour le bonheur de nos enfants ». 

 

Malgré son serment, il lui arrive parfois de vouloir abandonner. De lâcher les cordes, de s’en aller. Mais elle ne le fait pas. Elle a intarissablement refusé de le faire. Impavide, elle n’a d’avril 1975 à octobre 1990, jamais cessé d’enseigner, sauf pendant les mauvais jours. « On a le droit d’être lassés. Mais il faut continuer. Pour ces yeux d’enfants qui vous regardent brillants de fierté » dit-elle, la même étincelle dans les pupilles. « Si nous lâchons, qui s’assurera de remettre cet enchantement dans leurs regards? Et puis, a-t-on le droit de lâcher des enfants ? » Question réthorique. « Nous perdrions la dernière chose qu’il nous reste : l’espoir. Alors à l’unanimité, l’équipe affirme qu’il faut continuer. » 

 

Continuer pour leur inculquer les valeurs de la vie. Pour chanter la paix, pour raconter l’éthique, décrire l’amour. Pour faire vivre encore le souvenir de sa chorale chantant émotion à l’attention de l’ancien ambassadeur de France, monsieur Pietton, après le décès de sa femme. Pour saisir encore cette émotion ; la décortiquer, la façonner, l’abreuver, et la relancer toujours au public ; à ceux qui daignent se laisser emporter par la voix d’un enfant qui chante. 

 

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