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Dr Elio Sassine,

Médecin psychiatre, vice-président de l'Association pour la Protection de l'Enfant de la Guerre 

 

Quel regard portez-vous sur le centenaire du Liban ? 

Un regard embué: par les larmes des mamans des victimes du port, par les lacrymogènes qui pleuvent sur nos enfants, par le flou angoissant qui entoure notre avenir.

 

Comment avez-vous vécu la catastrophe du 4 août ?

Je suis malheureusement d'une génération qui a vécu de très près toutes les guerres, tous les attentats et toutes les horreurs depuis 1975 tant sur le plan personnel que professionnel (1975-1990, 1996, 2000, 2005, 2006...). 

En 45 ans, Je n'ai jamais été confronté à une telle apocalypse, et je trouve le terme assez faible. 

La soudaineté de la déflagration, l'ampleur de la destruction, le nombre de victimes, la détresse de toute une population, l'absence de réactivité et de soutien des autorités laisseront des traces psychologiques terribles pour de nombreuses années.

 

Considérez-vous que le Liban peut devenir une véritable nation ?

Dans la configuration actuelle, certainement pas. Si c'était le cas, on l'aurait su en 100 ans. Nous sommes une non-nation, au mieux un "failed state". 

Pour pouvoir éventuellement évoluer vers un état moderne il faudrait un changement radical de système : d'abord se débarrasser de cette formule prétentieuse de "pays-message” ; en imposant une séparation immédiate de l'état et de la religion, la création de partis politiques non confessionnels avec des projets clairs, un programme scolaire unifié, une éducation décente assurée à tous ainsi que les acquis sociaux de base. 

Cela peut paraître utopique à ceux de mon âge, mais je pense qu'il y a une génération montante capable et prête pour cette transformation. 

 

Le Liban est-il votre patrie définitive ?

Patrie dans le sens de l'appartenance émotionnelle certainement ; dans le sens de la nation, j'attends que celle-ci se réalise pour pouvoir m'y identifier.

 

En ces jours historiques, quelle serait votre propre « Déclaration pour le Liban »  

Pas de déclaration mais plutôt un souhait et un espoir : que ceux qui n'ont pas connu les horreurs de la guerre civile sauf à travers les récits de leurs parents, qui n'ont pas été endoctriné par telle ou telle idéologie religieuse, mais qui ont quand même eu droit à un effroyable baptême du feu, je souhaite donc que ces jeunes qui ont admirablement déblayé Beyrouth de ses gravats aient l'intelligence, la force et la lucidité de déblayer aussi un système d'un autre âge, pourri jusqu'à la moelle. 

Puis de tout reconstruire.

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