Cet ouvrage est très personnel, comme vos précédents d'ailleurs et le lecteur comprend tout de suite que la littérature vous porte et qu'elle a pour vous une vertu consolatrice. L'écriture est une thérapie pour vous ?
L’écriture des autres oui. Ces rencontres silencieuses qui traversent le temps et l’espace me « portent ». Je trouve très juste cette phrase de Nancy Huston : « On est des planètes lancées sur des trajectoires, absorbant et reflétant la lumière les unes des autres ». Les livres nous renvoient la « lumière » des autres. La littérature, la poésie surtout, me font du bien et m’expliquent souvent des choses importantes, plus vite et mieux que de longs traités. La littérature m’a été très utile aussi dans mon travail professionnel, qui n’a rien à voir. « Si je diffère de toi, loin de te léser je t’augmente », cette phrase de Saint Exupéry est très utile dans la gestion d’une équipe.
Ces textes ont-ils été écrits au gré des circonstances de la vie et vous avez choisi de les regrouper et de les publier, un peu comme un acte de foi ?
Je les ai écrits « dans la marge », comme le titre l’indique, et à « voix basse ». C’est-à-dire sans prétention. Au fil des jours, du quotidien, si riche malgré ses apparences. Les sujets sont donc variés. C’est avec humilité que je les publie. Juste pour partager.
Pour vous l'art est salvateur. Vous adhérez à Dostoïevski pour qui "la beauté sauvera le monde" ?
La beauté « sauve » en tout cas les gens qui habitent le monde. La littérature est souvent prémonitoire. Cette phrase de Dostoïevski est maintenant prouvée par la science. Un rapport passionnant de l’Organisation mondiale de la santé le confirme.
Vous parlez du drame des parents dont l'enfant souffre d'une pathologie qui le rend dépendant et plus loin du souci que les parents se font au sujet de leurs enfants et que l'on se fait à son tour quand on devient parent. Pensez-vous que l'on ne peut "pardonner" à ses parents qu'en le devenant soi-même ?
A plusieurs reprises je parle des parents, cette fonction impossible et passionnante à la fois. Dans la première partie de votre question, vous évoquez un texte qui relate la vie impossible des parents d’enfants souffrant de pathologie invalidante à vie, dans un pays sans soutien institutionnel. Le titre de ce texte le résume je crois : « Riches et immortels ». Mais d’autres textes traitent aussi de la parentalité en général, pour dire combien il est merveilleux et étrange de mettre un enfant au monde.
Quand vous dites que l'on peut être "imperméable et sensible", est ce que vous prônez le détachement (qui n'est pas l'indifférence) ?
Dans ce texte j’évoque l’intérêt d’apprendre à être imperméable aux choses, aux gens ou aux situations toxiques, tout en restant sensible à tout. Projet passionnant et difficile, mais nécessaire à mes yeux.
Pour vous le lien mère-enfant est indestructible, au-delà de la mort. Pensez-vous qu'il puisse être toxique ? ("Chaque femme vit avec un saboteur en elle qui a la voix de sa mère" Ingmar Bergman)
Je n’ai aucune prétention d’asséner des vérités absolues. Je parle des mamans à partir de mon expérience. Pour moi ce lien est indestructible. Ma mère me porte jusqu’à la fin du monde. Elle m’accompagne en toute chose et me protège. C’est pour cela que je pense que l’on ne « perd » pas sa mère, même quand elle décède. Mais chacun à une histoire particulière avec la femme qui l’a mis au monde.
Dans les derniers textes vous déclinez délicieusement "l'art d'être grand-mère". C'est cela qui vous réconcilie avec les drames de la vie ?
Dans les derniers textes je parle en effet des bonheurs d’être grand-mère. De ce bonheur, de cet amour que l’on ne soupçonnait pas vivre au troisième âge. Mais je parle aussi de l’étrangeté d’être une grand-mère « virtuelle », à distance, comme beaucoup de femmes dans ce pays qui n’a pas su retenir ses jeunes.
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