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Les grands-mères de Louise : Michel Daher

16/05/2022|Louise Laperrousaz

Aujourd’hui, rencontre d’un grand père. Si cette rubrique s’appelle bien “Les grands-mères de Louise”, il fallait respecter une certaine parité, alors, je me suis dit que j’allais vous parler de Michel. A tous les lecteurs amateurs de marché aux puces, aujourd’hui, je vous fais rencontrer un antiquaire emblématique.

 

Tous ceux qui passent régulièrement rue Gouraud connaissent forcément Michel. Son magasin est situé à l’angle de la rue Gouraud et la rue du Liban et c’est autour d’un bracelet que mon amitié avec ce vieux Monsieur est née. Au mois de décembre, à la recherche de cadeaux de noël, je m’arrête pour contempler le magasin. Un drapeau du Liban flotte jour et nuit, accroché à sa devanture. Peintures et bijoux en tout genre sont disposés dans un étalage en bazar, construit par Michel lui-même, me confiera-t-il plus tard. Je m’étais arrêtée sur un ravissant petit bracelet en bronze, sur lequel est inscrit “l’Hayat Halwa”. Autrement dit, la vie sucrée ou la belle vie. Michel, gentleman, m’avais proposé, du haut de ses 94 ans, de me céder sa place sur son fauteuil. Amusée, j’avais commencé à échanger avec lui.  Depuis notre rencontre, je passe tous les jours le saluer en allant à la fac. Le soir, je l’aide régulièrement à ranger sa boutique. Vieille habitude, Michel ferme toujours avant que le soleil se couche. Aujourd’hui, quand j’arrive le magasin est déjà presque rangé. Michel est déjà en train de porter, à la force de ses bras, le petit meuble en bois qui lui sert de devanture. Enfin, petit, il faut le dire vite. Celui-ci pèse aux alentours de quinze kilos, si bien que, lorsque je viens l’aider, je dois m’y reprendre à deux fois avant de le soulever. Michel le porte sans difficultés, bougeant la tête sur une musique entêtante qu’il met toujours à fond au moment de fermer boutique.

Nous nous asseyons quelques minutes histoire de reprendre notre souffle. Michel me regarde en souriant “je suis content de te voir”. Il m’appelle sa « chérie » ou son « ange gardien ». Au début je pensais que ces petits surnoms n’étaient réservés qu’à moi, manque de pot, chaque femme qu’il connait à droit à un petit mot doux. Sacré Michel ! Pourtant, il le jure, il a toujours été fidèle à sa femme. Marié depuis soixante-dix ans à Josiane, il parle d’elle comme la huitième merveille du Monde. Deux enfants sont nés de cette heureuse union. Selon lui, c’était un coup de foudre.

 

A 94 ans, c’est le doyen de notre série. Pourtant, il refuse de prendre sa retraite. Antiquaire et métallier, il ouvre avec une énergie déconcertante, tous les jours sa petite boutique depuis 1958, qu’il pleuve des obus, qu’il vente, ou qu’il neige. Oui, vous avez bien lu, Michel a ouvert tous les jours, même pendant la guerre. Sauf le dimanche bien sûr, jour du Seigneur. Il me raconte souvent, assis sur son vieux fauteuil style baroque, l’histoire de sa boutique. « À l’époque, je faisais venir de la marchandise tôt le matin et mon magasin était vide en fin de journée, les gens avaient de l’argent et voulaient le dépenser ». Il me raconte en riant que, pendant la guerre, les gens risquaient leur vie pour venir acheter meubles, bijoux ou tableaux chez lui. « À l’époque, ce je ne vendais pas des antiquités, tout était moderne et dernier cris. J’ai vieilli avec mon magasin. Maintenant, tout ce qu’on trouve dedans, moi y compris, est une antiquité. ».

Très vite, notre discussion légère part en débat philosophique. Michel m’explique à quelle point la vie est courte (pas pour lui), et belle.  Il me donne des conseils de vie. Pour lui, le secret de sa longévité, c’est le bonheur et jusqu’ici, ça a plutôt bien fonctionné. J’ai vite fait le calcul : au vu de son âge et de sa forme physique et mentale, j’ai intérêt à appliquer ses recommandations au pied de la lettre. Heureusement, Michel me dit qu’il y a une recette, très simple, en trois étapes à suivre pour accéder au bonheur éternel et à la fontaine de jouvence.

 

La recette du bonheur, selon Michel, se construit en trois étapes :

- L’activité physique : Michel a été skipper de ses 20 ans à ses 55. Il passait le plus clair de son temps libre en mer, c’est d’ailleurs comme ça qu’il a séduit sa femme. Au premier rendez-vous, il lui avait préparé un pique-nique à déguster sur son petit voilier. Messieurs : prenez-en de la graine !

- Construire des relations solides en amour comme en amitié : la loyauté c’est essentiel, “j’aurais préféré me crever un œil plutôt que de regarder une autre femme que la mienne” nous dit-il. “Quant à mes amis, ce sont les mêmes depuis mon enfance, si certains ne sont plus de ce Monde, ils restent irremplaçables”, continue-t-il.

- Rester soi-même “Toujours rester soi-même, de la sorte, les gens t’aimeront pour ce que tu es, et si tu sais qui tu es, tu sauras où aller”, quel poète, ce Michel.

 

Il a une façon de raconter qui vous transporte, et vous foi en l’humanité. 

 

L’aura de Michel est assez impressionnante, son positivisme à toute épreuve vous donne envie de croquer la vie à pleine dents, ou à plein dentier. Aller voir Michel est devenu une tradition quotidienne, avec mes amis. N’hésitez pas à passer le voir à l’occasion !
 

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