Depuis la France, les initiatives se poursuivent en faveur du secteur éducatif libanais sinistré par la crise et souvent ces initiatives passent par le vecteur de la musique. Parmi l’une des plus remarquables de ces derniers jours, celle de la Lebanese Society in Europe dont la dynamique présidente Artemis Kairouz organisait à Paris un concert de levée de fonds pour des bourses scolaires au bénéfice des élèves de l’école des Filles de la Charité à Beyrouth. Le Requiem de Mozart dans la version Czerny était donné au Temple Passy Annonciation par l’Ensemble vocal, sous la direction d’Olivier Plaisant avec Florence Chalamet et Romain Coharde au piano.
On pensait tout savoir du Requiem de Mozart, œuvre sublime et intemporelle dont il existe des dizaines de versions. Mais rares sont ceux qui en connaissent la singulière transcription pour voix et piano à quatre mains signée Czerny. Dire que les deux pianistes étaient à la hauteur du défi de cette partition exigeante serait un bien faible mot. L’œuvre est redoutable, Florence et Romain en maîtrisent parfaitement la logique et le déroulement. La phrase respire, avance avec une intensité qui saisit d’emblée le public et les chanteurs. L’ensemble vocal, sous la direction élégante et précise d’Olivier Plaisant, trouve le ton et le recueillement nécessaires pour se lancer dans la puissante aventure d’une œuvre souvent entendue mais dont la beauté surprend toujours. Certains numéros sont interprétés par cœur et, affranchis de la partition les chanteurs sont entièrement à l’écoute et au regard du chef ce qui leur donne une présence autrement plus attentive à la brillante direction et se ressent dans l'homogénéité du son.
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Côté solistes, l’on pouvait apprécier la bouleversante voix de cristal de la soprano Marie-José Matar, aérienne et très incarnée à la fois, la profondeur de la mezzo-soprano Jagna Oltarzewska, tandis que chez les voix d’homme, le baryton-basse Sandro De Gasparo et le ténor Akihiro Nakamura formaient avec elles un quatuor très harmonieux à la pâte sonore riche et intense.
Dans cette œuvre se retrouvent à la fois la terreur face à la mort et au jugement dernier et l’espérance d’un repos éternel dans la lumière et la miséricorde divine. Le mystère planant sur sa composition n’a jamais été totalement élucidé. Mais quelques lettres de Mozart à son épouse Constance permettent de lever une (toute petite) partie du voile. Ce sont ces extraits qui étaient dits avec éloquence et sensibilité par Emmanuelle David, l’une des mezzo-sopranos du chœur.
Ce Requiem chambriste et intimiste avait une saveur très particulière. Celle d'un pays pétrifié par une crise économique sans précédent. Celle d’expatriés essayant à leur manière de lui venir en aide. Celle d’un généreux ensemble vocal et de son chef, mettant leur talent (et même parfois leurs finances) au service d’une cause. Et bien sûr toujours la musique de Mozart, qui mène des ténèbres vers la lumière.
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