Quand j’ai lu l’annonce du grand prix de la bande dessinée de la ville d'Angoulême décerné à Riad Sattouf pour l'ensemble de son œuvre, un souvenir lointain m’est revenu : le premier livre de sa série « L’Arabe du Futur » (2014), comme beaucoup d’autres dans ma bibliothèque, attendait encore l’heureux jour d’être ouvert. Je m’y suis précipitée. Et j’ai très bien fait.
Une fois la première page ouverte, je ne me suis arrêtée qu’à la 158, la dernière de cette bande dessinée piquante et amusante à souhait, mais pas que !
Bien sûr j’avais déjà apprécié les capsules humoristiques de ce dessinateur-producteur prolifique, « Les cahiers d’Esther » dans le Nouvel Observateur, mais les cases esquissées cocasses et si subtilement caricaturales de ce franco-syrien qui dessine d’un coup de crayon « Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) » relève d’une anthologie à la fois burlesque et courageuse... « Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans la Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad », pour reprendre la présentation toute simple de la quatrième de couverture de ce qui sera le premier tome d’une série de six autres.
Facile à parcourir, cocasse, la BD dépeint pourtant sans entourloupe une ambiance glauque et sombre mais à travers le regard dénué de tout jugement du petit « blond », fils d’une Bretonne, qu’on traitait de « yahoudi », qui découvre toutes les incongruités de la vie quotidienne d’un village éloigné dans la Syrie profonde, ou encore les distorsions libyennes vouées au culte du dictateur libyen.
Pour le lecteur libanais qui parcourt les remarques truculentes de l’observateur raffiné qu’est Sattouf, la lecture très plaisante de « l’Arabe du futur » ravive intellectuellement beaucoup de réalités propres à nos peuples. Avec un doigté subtil et amusant, l’auteur relève manies, superstitions, façons d’être et d’agir... De quoi faire réfléchir.
Cette série autobiographique vendue à trois millions d’exemplaires et traduite en 23 langues (sauf en arabe) s’est achevée, en novembre 2022, avec les aventures du jeune ado qu’il était. « Je m’appelle Riad, en 1994 j’ai 16 ans, je suis un psychopathe… Extrêmement tôt j’ai été obsédé par les BD » (notamment Tintin qui le fascinait) et qui rajoute : « Si on veut faire de sa passion, sa vie, il faut la pratiquer intensément… Je vais dessiner comme un malade tout le temps ». On connait la suite, un succès et une renommée à l’international. Sa bibliographie est phénoménale tant sont attachants les personnages qu’il a créés. Dans la foulée : Les aventures de Fernand Lacoste, (un ado de 14 ans) les Cahiers d’Esther Esther (les histoires vraies d’une petite fille), La vie secrète des jeunes (publiés dans Charlie Hebdo), Pascal Brutal (un jeune macho ambivalent), etc.
À l’annonce du prix, Radio France, dans sa newsletter du 26 janvier,résumait bien ce que représente Riad Sattouf: « Un immense auteur qui a su faire de son introspection une des grandes sagas familiales de la littérature française ».
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