Présenté comme le roman « brûlant » de la rentrée littéraire, on aurait pu s’offusquer d’un livre de 365 pages qui ne parle que de bite, de pipe, d’érection, de désir, de fantasme et j’en passe. C’est un roman certes qui parle de sexe. Qui ne parle que de sexe, mais pour dire tellement de choses ! Et c’est là sa grande force. Exprimer librement cet indicible que vit chaque femme qui un jour ou l’autre a désiré, aimé, attendu ou a été repue, déçue, trompée, flouée…
La particularité d’Emma Becker c’est qu’elle nous livre dans un tourbillon littéraire de haute voltige, au gré de ses rencontres, et à la puissance maximale, toute l’intensité que vit la femme dans sa quête inconsciente ou déclarée de cet infini que « l’amour » est supposé assouvir.
L’auteure n’est pas à son premier livre du genre. Dans son premier roman autobiographique, « La Maison », la Française qui a travaillé de son plein gré dans un bordel à Berlin, durant deux ans, raconte ce qui se trame derrière les maisons closes, ces antres de la jouissance.
Et c’est bien de ça dont il s’agit dans « L’inconduite ». Dans un imbroglio d’aventures, dont on a de la peine à suivre les méandres, l’auteure jongle entre un mari, trois ou quatre amants qui se chevauchent, des « amis », anciens amoureux à la pelle et tous ceux, innombrables, qu’elle « croque » au passage, détails précis à l’appui.
Mais il y aussi la jouissance du lecteur à se délecter de l’humour, du talent et de la maîtrise littéraire de celle qui raconte. Bien qu’elle adopte le registre du porno, l’expression de cette frénésie érotique « blâmable » est drôlement bien ficelée, ce que Frédéric Beigbeder dans le Figaro résume en ces termes : « Le principal scandale de ce livre, c’est qu’il est une réussite littéraire complète ».
Vous y trouverez une plume sensible, assumée, mais aussi écorchée, celle d’une femme amoureuse de l’amour avec un grand A. Celle qui se perd à courir, offrir, à se dépasser, cueillir, tromper, avec cette faim au ventre d’être « prise » dans toute l’acceptation du terme, dans son être le plus profond qu’elle offre trop facilement, trop souvent, avec ce sentiment terrible d’insatisfaction.
Au-delà des mots crus et des précisions de postures et de situations (le moins qu’on puisse dire audacieuses) les femmes qui connaissent les tourments de l’amour se retrouveront au moins dans une des idylles d’Emma qui « emmagasine les impressions de vie pour les écrire et sentir quelque chose ». Les hommes comprendront (peut-être) comment les femmes peuvent se changer « en servante, en muse et en geisha » rien que pour retrouver quelqu’un, en oublier un autre, concrétiser un fantasme, se sentir vivre, belle… aimée.
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