J’attendais ce livre depuis cinq ans. Je l’ai eu entre les mains enfin. Mais, Surprise ! C’est un ouvrage de 300 pages qui défie tout ce que j’aurais pu imaginer.
Rencontrée lors du salon du livre de Montréal en 2017 pour la sortie de sa fiction : « Notre vie dans les forêts », (POL) (voyage qu’elle mentionne d’ailleurs dans les premières pages de ce dernier livre), l’auteure de « Il faut beaucoup aimer les hommes » (2013, Médicis) m’avait avoué en entrevue être tellement insomniaque qu’elle aimerait faire un livre autour de ce thème.
À la sortie de « Pas dormir », j’imaginais donc un roman qui, à partir de la difficulté à s’endormir, nous raconterait une histoire fantasque comme seule peut l’écrire l’auteure lancée en 1996 par un titre avant-gardiste : « Truismes » écoulé à plus d’un million d’exemplaires et traduit dans une trentaine de langues et dans lequel une femme se métamorphosait en truie.
En fait c’est au détour d’une nuit à l’hôtel après avoir visité des migrants à Calais pour écrire sur le problème des migrants : « La mer à l’envers » (POL 2019), (qu’elle mijotait d’ailleurs déjà lors de notre rencontre) que saisie d’un sentiment de honte face à l’injustice du monde que « Pas dormir » s’est mis en marche.
L’essai autobiographique que l’ex-psychanalyste, mère de trois enfants, excessivement concernée par les questions morales, les changements climatiques, les guerres, habitée par un sentiment de peur face à ce monde cauchemardesque, en plein brutal déséquilibre… (Toutes ces préoccupations existentielles, par ailleurs, qui justifient largement la perte de sommeil pour autant qu’on ait « les yeux ouverts » sur ce qui nous entoure), le dernier opus donc de Marie Darrieussecq se présente comme un gros ouvrage tout à la fois confessions, anthologie littéraire et tentatives de circonscrire tout ce qui peut se rattacher à ce fléau partagé par bien plus de monde qu’on ne l’imagine.
Elle passe carrément en revue tous les auteurs qui ont témoigné et écrit sur leur mal. Et il y en a. Tout comme elle scanne tous les remèdes, trucs, décoctions et techniques possibles et les expérimentations innombrables pour contourner la bête. Elle analyse, analyse ses échecs, les examens qu’elle a subis, ses écarts et jusqu’à même son addiction à l’alcool… rien que pour contrer cette « hypervigilance » qui bousille sa vie…
Une confession dans laquelle l’auteure se met à nu pour nous raconter ses traumatismes, ses cauchemars, ses nuits douloureuses, ses photos d’hôtel qui ont accompagné ses insomnies…
Un livre kaléidoscopique sur un mal insidieux, alors qu’on reste tapi dans l’ombre de son lit… et de soi.
À éviter si on est insomniaque ou peut-être au contraire… De toute façon, il y en a pour tous, tous ceux qui se disent, nuit après nuit : « Je veux dormir. C’est ce que je veux. Je n’y arrive pas. Je ne sais pas dormir ».
Photo : Marie Darrieussecq en 2011 © Hélène Bamberger
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