Avec la commémoration du génocide arménien en ce 24 avril, je ne pouvais que présenter un livre qui le décrit avec précision mais à travers une écriture soyeuse, poétique, qui vous fait avancer dans le sordide par le biais de la littérature. L’auteure, franco-libanaise a laissé couler beaucoup de sentiments, de pages (450), de générations et de lieux, pour raconter l’histoire d’une famille qui a vécu pourtant ce qu’il y a de plus sordide : un massacre en bonne et due forme.
Pour relater ce qu’a été l’horreur pour plus d’un million et demi d’Arméniens durant les années 1915-1916, la psychothérapeute de son métier, donne la parole à l’aïeule d’une jeune femme dont le métier est de créer des parfums et qui découvre le cataclysme de ses origines, à travers des écrits que sa grand-mère lui lègue. Un défi de taille que celui d’associer un thème si voluptueux à une réalité si douloureuse, d’autant plus que la romancière qui vit à Paris s’est inspirée d’une histoire vécue, celle de sa propre famille (son père est Libano-Arménien).
Ce tour de force s’est traduit dans un roman-fleuve puissant qui décrit avec une plume suppliciée (et rare) les massacres, les déportations, les viols, la famine, le décharnement de tout un peuple catapulté du jour au lendemain dans la terreur, jeté dans le désert dans une intolérable « marche de la mort ». Elle prête sa plume poétique à son héroïne, amoureuse folle d’écriture, pour croiser les générations, soulever les séquelles graves de ce génocide et raviver les douleurs peut-être surmontées, mais jamais effacées.
Au-delà de son aspect historique, des mots savamment maîtrisés
- Grand-père ça veut dire quoi « oublier son identité » ?
- Cela équivaut à éteindre la mémoire pour la plonger dans le noir,
de la juste expression des émotions intenses « Il y avait en moi un curieux mélange d’extrême fragilité et de très grande force…. Je n’étais plus protégée par aucun des remparts de l’enfance. Ma citadelle avait été assiégée et vaincue. Je savais maintenant que les monstres ne sonnaient pas aux portes en attendant que quelqu’un vienne leur ouvrir. J’avais compris qu’ils se faufilaient dans les bonheurs les plus absolus pour y jeter des bombes, maculant le ciel de morceaux de chair ».
Parfum d’exil est aussi un ouvrage fouillé qui nous introduit profondément dans le monde si délicat des odeurs, et qui aussi, dans la foulée nous fait visiter Athènes, découvrir Alep…
Il demeure surtout un vibrant hommage à la nation arménienne.
- Et pour vous, que signifie être Arménien ?
- M’inscrire dans une lignée, dans une histoire collective, témoigner de ce qui a été vécu, en connaître le prix, survivre et, surtout, apprendre à vivre… incarner un certain humanisme.
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