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Le MEZZE VOYAGEUR de SURAIA ABUD COAIK

29/01/2024|Noha Baz

Comme si l’on s’étaient quittées hier, nous reprenons le fil de cette conversation amorcée il y a presque dix ans et à 12500 kilomètres de distance entre Beyrouth et Montevideo. Elle répond enthousiaste à mes questions en espagnol ponctuant son discours de quelques tirades d’arabe avec un charmant accent espagnol.

Passionnante et passionnée, Suraia est née en Uruguay de parents libanais. Son père cousin du poète Maroun Abboud chantre du monde rural libanais est originaire de Ain Kfaa, petit village accroché à la montagne du Kesrouan. La maison du poète, devenue musée, est une célébration du monde rural où dans un cellier aux pierres centenaires se retrouvent encore au coude à coude jarres d’huile d’olive, ustensiles de cuisine et bocaux de Mouneh. L’ensemble raconte une alimentation façon montagne libanaise faite de goûts simples qui privilégient produits de terroir et proximité. La mère de Suraia est originaire de la famille Coaik, de Kfour. 

Une femme forte qui en perdant très tôt son mari élève ses enfants en pleine Amérique latine à la force de son poignet avec des goûts kesrouanais adaptés à l’exil qui font les délices des amis de la famille et de la communauté libanaise à Montevideo. 

 

Bercée par cette cuisine d’exil qui lui donne très tôt le goût de la terre libanaise, Suraia entame d’abord des études de gastronomie à Madrid puis fait ses premiers pas de chef au Ritz Madrilène. Elle entreprend en parallèle un cursus d’anthropologie et passe plus de vingt ans en Espagne naviguant entre recherches et histoires de l’alimentation et plus particulièrement la fermentation. En partenariat avec Sofia Soto elle fonde la “ Convida_Alimentos Vivos, une entreprise qui commercialise une boisson fermentée au kombucha kéfir et participe à plusieurs séminaires voguant à travers le monde du Nigeria au Mexique, de Bruxelles à la République tchèque et bien sûr au Liban.


Après un premier voyage en 2015, elle revient en 2017 pour participer à Darb el karam un projet établi par la Food Heritage Foundation de l’université américaine de Beyrouth. Elle découvre ainsi les richesses de la Bekaa, de la Mouneh et des traditions du patrimoine libanais. En 2018 elle séjourne à Hammana dans la résidence des artistes édifiée avec esprit par Robert Eid qui fait une belle place aux arts et à la culture.


Elle clame son appartenance libanaise, demande et obtient sa carte d’identité et son passeport puis retourne en Uruguay pour animer dans le cadre du club libanais de Montevideo les journées “Ahlan à la mesa” “bienvenue à table ”.
Une belle idée fédératrice autour de l’identité culturelle et gastronomique libanaise dans laquelle se succèdent repas, célébrations et animations autour du pays du cèdre. 

 

Issue de la troisième génération de la vague d’immigration qui a porté le Liban vers les rivages de l’Amérique latine au début du 19ème siècle, Suraia Abud nous offre un joli voyage doublé d’un regard émerveillé sur un pays qu’elle transmet de façon originale et spontanée. 

Son livre lui ressemble, accueillant spontané et souriant, riche en rencontres et découvertes. 

 

Rédigé en espagnol l’ouvrage se lit d’une traite. Une fois la surprise passée devant une terminologie que l’on déchiffre d’abord perplexe où le Kebbeh devient quepe et le taboulé presque sans persil le lecteur est conquis par la démarche qui consiste à puiser dans le passé pour inspirer l’avenir. Suraia refuse l’idée de reproduire exactement les recettes traditionnelles c’est pourquoi son kebbé s’habille de noix de cajou et d’amandes et ses falafels d’haricots noirs histoire de conquérir sur cette Terre d’accueil qu’est l’Uruguay de quoi alimenter le souvenir libanais. 

Divisé en trois parties le livre présente dans la première les recettes traditionnelles libanaises avec lesquelles l’auteur a été élevée en Uruguay La seconde partie est dédiée à ses découvertes culinaires lors de ses séjours au Liban, où comme elle le dit elle a découvert le « tabikh » : fatteh d’aubergines, haricots à l’huile ou loubieh bizeit et prend la peine de rendre hommage à chaque personne qui l’a accompagnée dans son apprentissage. 


 

Elle donne enfin dans une troisième partie libre cours à sa créativité en s’appuyant sur produits et goûts libanais, nous offrant des recettes surprenantes comme une ébouriffante Balila aux betteraves, une salade Habibi, véritable déclaration d’amour en légumes rôtis, Zaatar et agrumes ;une salade de poires et brocolis qu’elle appelle Moutabbal où se mêlent grenade, sésame et graines de lin 

Des recettes qui bousculent joliment la tradition mais dans lesquelles le Liban se lit toujours en filigrane. 

 

Ses plats préférés ? 

Les feuilles de vigne farcies de viande de sa mère et la Kebbeh au potiron Kebbeh laktine.


Sa découverte la plus intéressante au liban ? 
Les œufs au plat saupoudrés de cannelle synonymes d’une escale d’émerveillement à Saida 

 

À l’arrivée un ouvrage qui offre une véritable connivence gourmande entre le Liban et sa diaspora écrit avec le cœur et bourré de saveurs.
Une véritable bouffée de fraîcheur ! 

 


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