Edition du printemps réussie pour la 5e saison des Musicales du Liban, festival fondé en 2019 et dont le but est de diffuser et valoriser la musique savante libanaise. Mais pas seulement, car bien que les organisateurs exigent qu’au moins la moitié du programme soit consacré aux compositeurs libanais, ils sont très heureux quand le patrimoine musical libanais dialogue avec d’autres cultures comme c’était le cas lors des deux concerts, l’un instrumental et l’autre vocal, donnant la parole respectivement à Georges Daccache (piano), Dona Nouné (violon), Caroline Solage (soprano) et Denis Dubois (piano).
Le premier récital, De New-York à Beyrouth, fait dialoguer dans des œuvres libanaises et américaines, l’archet de Dona Nouné, ensoleillé, joyeux et sensible et le piano de Georges Daccache en pleine possession de ses moyens. Ce dernier est d’ailleurs aujourd’hui le pianiste qui est allé le plus loin et le plus profondément aux sources de la musique libanaise pour piano et dont le répertoire recèle des dizaines d’heures de musique de chambre pour voix et instruments, sans compter les œuvres pour piano solo dont la plupart ne sont même pas encore éditées.
Le concert s’ouvre avec la Sonate brève de Boghos Gelalian (1927-2011), œuvre en trois mouvements dont la joie associée à la mélancolie, rappelle que la source majeure d’inspiration du compositeur était le folklore arménien et révèle les multiples visages d’un créateur encore hélas trop méconnu.
Puis vient la Sonate pour violon et piano d’Aaron Copland (1900-1990) en trois mouvements dont les deux derniers s’enchaînent et qui caractérise bien l’œuvre de Copland de façon générale, empreinte de calme et d’élévation mais aussi de fermeté pour ne pas dire, dans certains passages, de dureté. Ici, la virtuosité et la tension sont à leur extrême. Le public retient son souffle.
Suit le Nocturne pour violon et piano opus 1 de Sevag Derghougassian (né en 1977), compositeur dont la double culture libanaise et arménienne est présente dans le processus de création. Son Nocturne fait partie de ces œuvres qui saisissent d’emblée l’auditeur, l’ouvrent à l’écoute et l’invitent à la surprise entre lyrisme et émotion.
Le récital se poursuit avec Miguel Del Aguila (né en 1957) et sa Seduccion pour violon et piano opus 96, œuvre puissamment colorée et rythmiquement virtuose, dont le compositeur dit qu’elle « exprime son humanité ».
Le concert se termine avec une œuvre majeure d’Iyad Kanaan (né en 1971). Ce compositeur issu d’une prestigieuse lignée musicale (son grand-père Emile Irani était un violoniste virtuose, célèbre pour ses improvisations), a un langage musical qui vient du cœur et qui parle au cœur. Son Duo pour violon et piano en trois mouvements, a fait véritablement sensation, clôturant avec brio ce moment musical totalement original.
Le deuxième concert était donné par la soprano Caroline Solage et le pianiste (chef de chant à l’opéra national de Paris) Denis Dubois qui avaient choisi une approche très originale : Procéder par thèmes, en prenant chaque fois un compositeur occidental et un compositeur libanais. Ainsi, en ouverture de la musique sacrée autour du thème de Marie. Un Ave Maria de William Gomez (1939-2000), belle œuvre méditative, suivi de Assalamu Aaleyki du père Joseph Waked (1940-2020) et d’un Schlomlekh Maryam de Violaine Prince (née en 1958), œuvre intense et bouleversante en Araméen, court exemple d’une ample et riche œuvre sacrée qui est la « marque de fabrique » de la compositrice.
Puis viennent deux mélodies arméniennes Yes Atchk de Garo Avessian (né en 1979) chef d’orchestre et compositeur au langage musical émouvant et Oror de Parsegh Ganatchian (1885-1967), compositeur de l’hymne national arménien.
Suivent deux extraits d’opéra d’Elia Koussa (né en 1978) dont le langage musical novateur se pose sur un texte du poète Adonis, Histoire qui se déchire sur le corps d’une femme, écrit spécialement pour la voix de Caroline Solage.
Le concert se poursuit avec une mélodie de Francis Poulenc (1899-1963), extraite de La Voix humaine, et un lied de Gustav Mahler (1860-1911), extrait des Kindertotenlieder et se clôture avec deux pièces majeures de musique de film, la Berceuse extraite du Talentueux Mr Ripley par Gabriel Yared (né en 1949), œuvre fine et bouleversante qui s’égrène comme des petites gouttes d’eau et enfin le célébrissime Parla piu piano de Nino Rota (1911-1979), extrait du film Le Parrain.
Puissante dans sa voix et claire dans son expression, Caroline Solage donne à ce programme très éclectique une cohérence et un fil conducteur. Elle déjoue avec aisance les pièges de partitions dont l’écriture est parfois escarpée et en restitue l’émotion et la poésie. Extraordinaire « conteur » au piano, Denis Dubois à parfaitement compris et intériorisé la singularité de cette musique parfois « en devenir ». Avec fluidité et lyrisme, il est présent aux côtés de la chanteuse sans jamais être envahissant. Beau duo en vérité !
Les prochains rendez-vous des Musicales du Liban à Paris se tiendront les dimanches 12, 19 et 26 novembre et nous en reparlerons bien sûr !
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