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Impressions : Le désert de Bayouda, immense étendue de solitude

22/06/2023|Dounia Mansour Abdelnour

Pour qui a vécu quelque temps dans un désert tel celui de Bayouda à l'est du Sahara, au Soudan Nord, terre aride qui s’étend au nord du Kenya jusqu'au sud de l’Ethiopie, quelque chose d'envoûtant ressort de cette immense solitude où règne une permanente et sèche canicule. 

 

Une fois immergé dans cet espace vide d’humains et même d’animaux sauvages, on a l’impression d’être sur une planète lointaine dans l’espace intersidéral, un lieu farouche, déserté, isolé, à des milliers de lieues des terres habitées, sur un sol ensoleillé d'une chaleur torride, où l’horizon se dresse à l’infini, ponctué de mirages qui surgissent çà et là, chimères vaporeuses, floues, gribouillées, spectres insaisissables de flaques d’eau ondulées. 

 

 

Le désert de Bayouda se situe dans la boucle du Nil entre les 4e et 6e cataractes. Là, s’étend un sol hors d’âge. Nulle frontière. Nul repère. Ni centre ni contour. Pas de tapis végétal. La surface terrestre, magma de sable brûlant, de pierres effritées, de galets concassés ainsi que d’autres éléments, s’étale à perte de vue. De fascinantes termitières, monticules de terre durcie, hautes de plusieurs mètres, émergent du sol aride telles des périscopes de sous-marins au milieu des vagues de l’océan. Et l’on s’interroge sur le savoir-faire de cet insecte social qu’est le termite blanc d’à peine 1 cm, vivant au sein de colonies hiérarchisées et qui parvient à ériger ses termitières qui représentent plus de 200 à 300 fois sa taille. Une vraie prouesse architecturale.

 

Sur cette terre de la soif, on ne se lasse pas de scruter ces grains de sable si denses et fugitifs lorsqu’on les tient entre les mains. Les tons ocres évoquent l’histoire des minéraux et des sédiments qui les ont pétris dans le feu ou l’eau qui ont depuis des temps immémoriaux précipité leur matière et coagulé leurs formes. Le désert nous emporte dans le passé lointain, les temps révolus où cette terre était peut-être inondée d’eau salée au sein d’une nature en perpétuel mouvement.

 

Dans ce désert africain où l’eau est un trésor aussi rare que vital, il n’y a plus ni entrée ni sortie. Un vent sec souffle incessamment sur ce sol pauvre où la végétation est inexistante ou atrophiée, une terre où l’on se sent irrémédiablement seul mais d’une solitude bienfaisante sous le ciel bleu immaculé, éblouissant, dépourvu de nuages et de gris, noyée sous un soleil omniprésent qui darde l'environnement proche et lointain de ses rayons éclatants. C’est un peu un arrêt sur image, une pause dans l’existence qu’on aimerait faire durer. Là, rien ne peut déranger cette heureuse quiétude où un sentiment d’infini se dégage. Revient la phrase dans le Petit Prince de St Exupéry, « J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence… ». Et ce qui rayonne, c’est plein de choses, la lumière, l’horizon illimité, le silence salutaire malgré le vent, un espace propice à la contemplation, au recueillement, au sein d’une nature hostile et fascinante.

 

Le désert interroge, intrigue, ne laisse pas indifférent. Qu’y aurait-il sous ses sables ? Des cités anéanties ? Des civilisations primitives ou avancées et disparues depuis des siècles ? « Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent, » constate Chateaubriand. Des cimetières de peuplements entiers enterrés et consumés depuis des millénaires ? Des vestiges enfouis qui restent à explorer ? 

 

Dans sa nouvelle, Une passion dans le désert, Balzac dit : « dans le désert, voyez-vous, il y a tout et il n’y a rien, c’est Dieu sans les hommes. » Certes, le désert bouleverse. Peut-être qu’il est là pour nous rappeler notre finitude, notre petitesse, tout autant que les étoiles scintillant la nuit. Reste une certitude, une fois loin de lui, il ne déserte plus le cœur. 

 

 

Credit Photo Geographical Magazine 

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