Émile Tyan : « Nous n’avons rien, mais avec ce rien, nous allons faire un Salon qui va marquer les esprits ».
19/09/2023|Gisèle Kayata Eid
Beyrouth Livres. Salon international du livre du Liban. Festival international et francophone du livre, Salon du livre francophone. Salon du livre arabe… Les Libanais sont un peu confus en ce bouillonnant mois d’octobre livresque à souhait. Qu’en est-il exactement ?
Émile Tyan, responsable de la communication française dans le comité organisateur du Salon international du livre du Liban met les choses au clair.
En quoi se distingue le Salon international du livre du Liban de toutes les autres manifestations autour du livre prévues ou qui ont eu lieu auparavant ?
C’est une synthèse de tout ce qui a déjà existé au Liban.
Quelle est votre relation avec le Salon du livre arabe ?
En mars-avril 2022, le centre culturel arabe (Nadi el sakafah el arabi ) avait organisé un salon très traditionnel, conjointement avec le Syndicat des éditeurs qui avait déjà à son actif sept salons. Mais ce dernier avait refusé à l’époque l’invitation. Conviés à un autre Salon en décembre 2022 nous avions tenté cette fois-ci de nous joindre au Nadi el Sakafah el arabi. Suite à ça, ayant eu beaucoup de difficulté à trouver un terrain d’entente, nos objectifs n’étant pas les mêmes, nous avons préféré nous dissocier de cette ONG qui n’avait pas forcément une crédibilité auprès de la profession, à part son historique, et créer avec le Syndicat des importateurs, notre propre événement.
Quelle est la différence entre ce Salon international du livre du Liban et le Salon du livre francophone de Beyrouth auquel nous étions habitués pendant des années ?
Le Salon du livre francophone n’intéressait qu’une tranche de la population alors que le Salon du livre arabe s’adressait à une autre. Maintenant nous avons créé un nouveau partenariat entre le syndicat des importateurs et celui des éditeurs qui représenterait tout le monde. Nous sommes le Salon officiel libanais composé des syndicats qui représentent la profession. Maintenant nous sommes dans une structure plus « normale ». Un salon formidable de 6000 m2 où tous les acteurs du livre seront présents, 160 exposants sont déjà inscrits et 95 % du Forum loué pour l’évènement.
Quel est l’objectif principal de ce nouveau partenariat ?
Représenter la diversité culturelle du Liban et décloisonner la profession, nous ouvrir à tous. Désormais tout le monde voit tout le monde et voit le Liban tel qu’il est dans sa diversité, dans sa complexité et dans sa richesse. Il ne faut pas oublier que nous avons toute une littérature dans les trois langues.
Quelle place occupe dans ce processus la librairie Antoine où vous êtes directeur des éditions Hachette-Antoine ?
Antoine est membre du Syndicat des éditeurs libanais (dont Samira Assi est la présidente) dans lequel les libraires francophones sont fortement représentés. Ce syndicat fait partie des promoteurs du Salon, en partenariat avec le Syndicat des importateurs (présidé par Maroun Nehmé). Nous nous sommes réparti les rôles en matière de communication : Mohammad Mehdi pour l’arabe, Pierre Sayegh pour l’anglais et moi-même pour le français. Je fais partie du comité de direction de pilotage de ce Salon et où, il est vrai, la librairie Antoine s’est énormément impliquée dans son organisation. Les librairies Antoine occuperont 400 m2 dont 250 sont consacrés aux livres français et anglais, 50 à la presse anglaise et française, le reste allant aux éditions Hachette-Antoine. Ces dernières sont les éditions de la librairie Antoine qui éditent principalement en langue arabe, pour ne pas dire d’une façon quasi-exclusive; la langue française ne portant pas assez pour que nous ayons des équipes dédiées à l’édition française. Le marché libanais est trop petit, même pour l’arabe. Nos ventes domestiques représentent quelques 15 % de nos ventes globales.
Qui va assumer les coûts de cette grande exposition ?
Nous avons quelques sponsors et nous donnons, tous sans exception, tout notre temps gratuitement. Les syndicats vont aussi contribuer beaucoup financièrement, vu que le prix demandé par mètre carré aux exposants sera extrêmement raisonnable et bien entendu l’entrée gratuite.
Mis à part la présence de tous les acteurs du livre, prévoyez-vous d’autres activités ?
Pour le moment il n’y a que des signatures (déjà 20 chez Antoine). Chaque maison d’édition va inviter ses auteurs. Nous espérons ainsi rétablir la place du Liban dans le monde de l’édition. Aujourd’hui nous expérimentons une très forte concurrence de la part de beaucoup d’émirats qui sont en train de promouvoir le livre. Nous sommes contents pour eux, mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent éclipser notre place. On se bat avec nos moyens, c’est-à-dire sans aucun moyen, sauf la richesse des éditeurs libanais qui restent bien au-dessus du lot du monde arabe et un public libanais qui aime profondément le livre.
Pourrons-nous compter sur la présence d’auteurs étrangers ?
Pour le moment nous ne pouvons pas nous le permettre. Mais il y a les Libanais, les auteurs arabes, c’est compter fois dix, en plus du très grand nombre de livres, de références, ce qui n’est pas quelque chose de négligeable. Nous organisons l’événement sous le patronage du ministère de la culture mais sans aucune intervention de sa part. Nous essayons de nous éloigner autant que possible de la politique. Pourtant c’est le ministère naturel des éditeurs. Nous espérons qu’il puisse jouer un rôle plus actif lorsque nous aurons de meilleurs jours. Pour le moment nous travaillons avec rien. Mais avec ce rien nous allons faire quelque chose de formidable qui va marquer les esprits.
Y a -t- il une interaction entre vous et le Festival international et francophone du livre ?
Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune relation. Le festival comporte des activités autour du livre : des lectures, des conférences, des débats, et une présence plus discrète du livre. Le salon international du livre du Liban est un vrai salon où on va rencontrer les auteurs. On espère que dans le futur nous pourrons croiser nos chemins et qu’on s’en enrichira pour la continuité de nos actions.
Pourquoi avoir fixé votre Salon une quinzaine de jours après le Festival « Beyrouth Livres »?
Bien sûr, on aurait préféré qu’il y ait un laps de temps entre les deux événements pour qu’il n’y ait pas de confusion dans les esprits. Mais les hasards du calendrier ont fait que les dates sont rapprochées. Le salon international du livre du Liban ne doit pas être présent en même temps que les autres salons du livre dans le monde arabe. Comme vous le savez, les maisons d’édition se déplacent au fil des salons. Donc notre calendrier a été décidé en fonction des autres salons du livre. Il vient juste après celui de Riyad qui est crucial pour les acteurs du livre et spécialement pour les éditeurs. Les marchés exports sont très importants ces temps-ci surtout que les éditeurs n’ont pas les moyens d’avoir des équipes à l’étranger.
Comment prévoyez-vous ou rêvez-vous d’une collaboration future avec le Festival francophone ?
Tout d’abord il faut être deux pour rêver. L’institut culturel fait un travail formidable. La présence de ce festival quand tout était morose est qu’il a eu le mérite d’exister et de raviver le goût du livre. Mais pour qu’elle soit pérenne toute activité doit être reliée à une activité économique réelle. Les acteurs économiques doivent être impliqués. Les deux évènements doivent exister, parce qu’ils ont deux identités distinctes. Les deux communications doivent rester claire pour garder la touche française. Il ne faut pas s’en approprier. Dans un monde idéal, le festival démarrerait et se terminerait par le Salon, une exposition du livre où tous les auteurs et acteurs convergeront, avec une présence française, bien évidemment. Ce serait notre point d’attache avec ce festival qui se déroulerait en parallèle.
A savoir
Salon International du Livre du Liban
Forum de Beyrouth
Du 13 au 22 octobre.
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