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Des hommes et des graines

10/04/2020|Renate Mattar

Hébergé au sein du domaine agricole de Taanayel en 2016 (domaine d’agro-tourisme appartenant à une communauté jésuite et géré par l’ONG libanaise Arcenciel), un jeune réseau organise des rencontres autour du thème des semences paysannes et d’autonomie des paysans, cultive un premier jardin de semences afin de multiplier et conserver leur collection et construit – avec l’aide de nombreux volontaires locaux et internationaux – la première maison de la semence paysanne, suivant des techniques de construction traditionnelles en brique de terre-paille. Le travail de collectionneur amorcé avec l’aide de nombreux paysans du bassin méditerranéen bénéficie de l’apport de nombreuses variétés locales libanaises et syriennes, dont notamment des variétés de blés « anciens » provenant de tout le Moyen-Orient (Syrie, Iran, Irak, Palestine) ayant disparu des champs depuis des décennies. La collection compte aujourd’hui plus de 300 variétés de légumes, fleurs, céréales et aromatiques.  

 

A chaque saison, des dizaines de variétés de légumes, de fleurs, de céréales et légumineuses se côtoient dans les lignes du jardin pour être étudiées, goutées, multipliées et sélectionnées suivant les techniques de l’agroécologie, afin de conserver et faire vivre l’importante collection de semences de l’association. Chaque lot de graine est soigneusement testé (test de germination, puis étude des caractéristiques variétales), mis en sachet et archivé afin d’être mis à la disposition de la communauté paysanne locale.

 

En 2017, souhaitant développer l’association de manière plus autonome, l’équipe s’installe sur un terrain de 2 hectares, dans la commune de Saadnayel, au milieu de la plaine de la Bekaa. Depuis, la « Ferme-Ecole » de Buzuruna Juzuruna se développe et s’implante dans le tissu associatif local. Le collectif de la ferme regroupe et salarie, en 2020, une quinzaine d’adultes syriens, libanais et français qui vivent avec leurs familles à Saadnayel et accueillent toute l’année de nombreux volontaires et visiteurs. Les travaux sont également fortement axés sur la protection de l’environnement, et la biodiversité. 

 

En parallèle de l’activité d’expérimentation et de production agricole, le réseau Buzuruna Juzuruna se constitue en association, enregistrée auprès des autorités libanaises en juillet 2018 et dont l’objectif est de soutenir et promouvoir l'agriculture durable au Liban par la transmission des savoirs et des moyens de production. L’action est donc à un niveau local, comme par exemple un projet de tournée dans tout le Liban pour projeter des films et des documentaires axés sur l’agriculture et l’écologie, afin de sensibiliser les gens à d’autres façons de faire le monde. Ces films sont donc, le plus souvent, en arabe ; ils ont été filmés dans des endroits aussi divers que la Tunisie, ou l’Iraq, et seront projetés dans des villages ainsi que dans des camps de réfugiés. 

 

Et la révolution de 2019 ? Qu’a-t-elle pu injecter de neuf au projet ? « Elle nous a apporté la confirmation, la preuve, que tout ce qu’on faisait déjà, depuis quatre ans, c’était la bonne voie à suivre : la solidarité, l’entraide, l’écologie, travailler en horizontal… », souligne Serge Harfouche, président de l’association. Nous avons pris conscience que nous n’avions pas de souveraineté alimentaire, que nous ne contrôlions pas notre destin. » Avec des amis, Serge a fait le tour des tentes de la révolution : ils ont parlé de souveraineté alimentaire, de solutions durables, de maraichage bio, de coopératives agricoles, d’expériences qui marchent et d’horizons. 

 

Aujourd’hui, avec le confinement et la situation de pandémie, les gens repensent l’alimentation. « Il est maintenant clair qu’une économie basée sur l’import va poser des problèmes, niveau nutrition » remarque Serge. L’association continue de travailler malgré le coronavirus : les membres font extrêmement attention, au niveau sanitaire, mais continuent à répondre à la demande des Libanais ; aujourd’hui, les demandes de livraisons sont de plus en plus élevées chaque semaine. Il peut s’agir d’habitants de Beyrouth, qui cherchent à planter les balcons de leurs appartements, ou de propriétaires de lopins de terre, à la montagne. « En tout cas, la ferme continue de bien travailler, et la saison commence. On remarque aussi que les pics de pollution sont moins élevés… Comme quoi, la nature reprend ses droits », conclut Serge.

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