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« Curtains of hope » : Le nouveau souffle de Jad el-Khoury sur les espaces abandonnés

16/12/2019|Valentine du Peloux

L’artiste Jad el-Khoury, ou celui qui a fait danser Burj el Murr, revient avec une nouvelle installation ayant cette fois l’ambition d’alerter sur les déplacés climatiques en investissant les lieux endommagés qu’ils ont dû abandonner.

 

On se souvient de son installation virtuose qui interpellait quiconque posait son regard sur la tour rebaptisée alors « Burj el Hawa ». Le bâtiment inachevé s’était mis à onduler en couleur et au gré du vent. Composée de 400 rideaux colorés typiques des maisons beyrouthines accrochés aux fenêtres des 34 étages de l’édifice, l’installation qui devait rester deux mois a finalement été retirée au bout de quelques jours sous la pression de Solidere. 

 

Artiste graffeur, Jad el-Khoury réalise des projets d’art urbain depuis plus de dix ans dans le but de donner une perspective d’avenir positif au Liban. En travaillant sur des constructions ou des espaces porteurs de stigmates, il les redore afin d’entamer le processus de guérison. Lauréat du Prix Arte Laguna en 2017, Jad el-Khoury a exposé à Paris, Venise ou New York ainsi qu'à l’Institut français de Beyrouth en 2018. Cette année, il a été sélectionné par le Prix COAL pour son projet « Curtains of Hope ».

 

Ce prix français pour l’art et l’environnement entend révéler la richesse des réponses portées par les artistes aux problématiques écologiques actuelles. Il s’adresse à tous les artistes qui, à travers le monde, témoignent, imaginent et expérimentent des solutions de transformation des territoires ou des modes de vie. 

 

 

Le projet « Curtains of hope » de l’artiste figure parmi les 10 finalistes de la dixième édition du Prix qui a choisi cette année le thème des déplacements humains liés aux catastrophes naturelles et au changement climatique. Le défi du Prix COAL est dans un premier temps de rendre visible cette problématique qui est encore abstraite pour beaucoup. Le « réfugié climatique » est en effet perçu comme loin et hypothétique. Sa terminologie même n’est pas reconnue par la Convention de Genève (1951) qui ne le protège donc pas juridiquement. Pourtant la Banque Mondiale indique que d’ici à 2050, 143 millions de personnes pourraient être déplacées dans le monde du fait des catastrophes naturelles. En tant que réservoir d’alternatives critiques aux formes admises de la société, l’art constitue le terrain privilégié pour éveiller les consciences et toucher un grand nombre de personnes. Les artistes sont aujourd’hui nombreux à s’emparer de ces grandes problématiques et à se servir de leurs créations pour susciter une réflexion sur la question environnementale. 

 

 

1. Le Prix COAL a invité les artistes à s’intéresser aux « migrations écologiques ». Vous considérez-vous comme un artiste engagé sur les problématiques environnementales ? Comment avez-vous appréhendé ce sujet ?

 

Je dois avouer qu’ayant grandi à Beyrouth et faisant partie de la première génération d’après-guerre, j’ai grandi en étant plutôt préoccupé par les traces du conflit et par la corruption ambiante. Je n’ai donc commencé à prendre au sérieux le changement climatique qu’en entrant dans l’âge adulte.

Aujourd’hui, connaissant l’ampleur de la problématique et sachant que les altérations engendrées par l’humain sur son patrimoine naturel sont, pour beaucoup, irrémédiables, j’estime que le sujet n’a pas une place suffisamment importante dans la société, et particulièrement au Liban où la gestion des crises environnementales (ordures depuis 2015 et plus récemment la vague d’incendies) met en lumière l’échec du gouvernement à traiter ces sujets et son inaction face à une problématique urgente.

Je trouve donc le thème choisi cette année par le Prix COAL nécessaire pour sensibiliser la communauté internationale aux catastrophes et migrations humaines qui se multiplient à cause du changement climatique.

 

 

2.  Précisément, pouvez-vous nous parler de votre projet « Curtains of hope ».

 

Après le succès des rideaux installés sur « Burj el Hawa » en 2018 et surtout après avoir constaté qu’ils peuvent redonner vie à tous les lieux sur lesquels je les installe (ndlr : Ils ont notamment été installés au cours de cette année à Favara, en Sicile, à Stavanger, en Norvège, à Dunkerque, en France ou encore au Musée national de Beyrouth.), j’ai décidé pour le Prix COAL de leur donner une nouvelle dimension, plus engageante cette fois.

Les rideaux auront pour mission de créer un lien entre les maisons abandonnées, car endommagées par des catastrophes naturelles, et leurs anciens résidents qui vivent désormais dans des camps depuis plus d’un an maintenant, à Haïti ou aux Philippines.

Des rideaux colorés et à motifs danseront avec le vent sur les fenêtres vides animant des villes fantomatiques et appelant ainsi leurs anciens habitants. Ceux-ci recevront également des morceaux similaires de tissus colorés dans leur camp. Ces tissus serviront de tentes ou de pergolas, devenant alors un morceau de la maison.

 

3. Le Prix COAL permet aux artistes de montrer les connexions qui lient la création artistique à l’actualité environnementale. Comment pensez-vous sensibiliser voire influencer des comportements à travers vos créations ?

 

Etant un artiste urbain, mon travail est vu par beaucoup -beaucoup- de monde au quotidien, cela me permet d’atteindre un large public et d’interroger ainsi la conscience collective. En proposant des installations qui diffusent une vision relativement utopique du monde, tout en soulevant des problématiques majeures, j’aspire à faire rêver en portant un message d’espoir parce que je crois que c’est cela qui motivera à agir.

 

 

à suivre en 2020 :

Jad el-Khoury fait partie des cinq lauréats libanais des résidences d’artistes organisées par l’Institut français à Paris pour 2020. Pour sa résidence, il projette d’effectuer des recherches documentant l’impact de ses installations d’art urbain sur le public.

 

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