Ce n’est pas encore le printemps, mais il s’en vient à grands pas
20/03/2020|Gisèle Kayata Eid, de Montréal
Ici ce n’est pas encore le printemps.
Ici ce n’est pas encore la fête des mères.
Ici, c’est le confinement, la télévision, les rendez-vous quotidiens avec le point de presse du premier ministre. C’est l’ordre, la prise en charge, le gouvernement et les services responsables.
Non ici, ce n’est pas encore le printemps et ici ce n’est pas encore la fête des mères.
Ici, ce sont les gens qui se découvrent de nouvelles façons de vivre, de partager, de se promener, d’aimer. Ici, ce sont les papas et mamans qui courent après leurs jeunes enfants en pleine semaine. Les pré-ados qui se promènent pour une fois avec leurs parents. Les conjoints qui se tolèrent à la maison. Les ainés à qui on porte à manger. Les workaholics qui découvrent que la vie c’est aussi autre chose que métro-boulot-dodo. Les amis qui se parlent, juste pour se raconter des choses, sans avoir vraiment besoin de quelque chose.
Ici, c’est une nouvelle sorte de vie qui est cadencée par de petits rendez-vous qu’on se donne avec soi-même, la télé ou un épisode. C’est la découverte de ce que peut être une douche à midi ou un bébé qu’on porte sur soi toute la matinée.
Si dehors il fait froid, on met son bonnet, on relève son capuchon et on découvre son quartier. On n’a plus besoin d’un chien à sortir. On se sort soi-même. On n’a plus besoin d’aller aux activités. Il n’y en a plus. On joue avec les enfants, à quatre-pattes. On leur fait des programmes. On s’occupe d’eux. Les garderies sont fermées et les nannys chez elles. On découvre ses enfants, on leur cuisine. On leur demande ce qu’ils aimeraient qu’on prépare ensemble. On téléphone aux grands-parents. On leur mijote des plats parce qu’eux ne doivent absolument pas sortir. On leur donne de l’affection. On s’en rappelle.
Ici, on travaille relax de la maison, si c’est important. Sinon, on laisse faire. Les éboueurs sont bénis. Les plombiers aussi. Les médecins et tout le corps soignant sont appelés nos anges gardiens. On met un foulard pour sortir. On fait attention à ne pas prendre froid. Ce n’est pas le temps. On s’occupe de soi. On est important.
On se découvre une vie sans le centre d’achat. Ses boutiques sont fermées pour la plupart. On se fait un café à la maison. On sent son odeur. La tasse en porcelaine est chaude, ça fait du bien. Ça change du thermos qu’on remplit pour le bureau. On mange chaud. Les boîtes à lunch restent sur l’étagère. On fait des exercices chez soi, sur le tapis. On redevient ami avec ce corps qui court sans arrêt. On regarde notre conjoint. Il est finalement gentil. On se fait une petite dînette à deux et on pourra même trainer demain matin.
Ici ce n’est pas encore le printemps. Mais il vient à grands pas.
Ici ce n’est pas la fête des mères, mais c’est tous les jours désormais qu’on pense à maman confinée de force dans sa maison de retraite parce que cette sale productivité, cette foutue efficacité, ce rendement inhumain nous ont poussés à l’y reléguer, nous faisant oublier que la plus importante des « croissances » a un coût qui est le même pour des milliards d’hommes et de femmes comme nous : celui de l’amour et de l’attention.
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