Il est vrai que chaque objet archéologique raconte une histoire. Celle de son appartenance, de sa vie et de sa redécouverte des siècles plus tard. Certains témoignent de croyances, de la vie quotidienne tandis que d’autres restent entourés de mystère. A quoi servait-il ? Ou était-il placé ? Combien de personnes l’ont contemplé avant qu’il ne finisse enfoui sous terre et en attendant d’être déterré par des archéologues du 20e siècle ?
Voici un carreau de revêtement qui recouvrait on ne sait quel mur d’un bâtiment de Tyr probablement entre les 12e et 13e siècles, soit la période ayyoubide (1170-1260). Le carreau peint de forme carrée mesure environ 20cm de côté. Une bordure délimitée par des doubles traits comporte un décor végétal stylisé. Il entoure le motif central qui dépeint un griffon, animal fantastique, mélange de lion pour le corps et d’aigle pour les ailes et les serres. En mouvement, le griffon semble avancer, la patte antérieure droite levée. Des hachures indiquent le pelage sur son corps de lion et sa queue fourchue est recourbée en un crochet. Sa tête couronnée semble assez particulière. Les yeux sont bien dessinés et évoque un étonnement qui confère un aspect encore plus énigmatique à cette étrange créature. De part et d’autre du cou exagérément gonflé, apparaissent des ailes et on remarque les serres du rapace aux extrémités des pattes.
Pourquoi cette figure imaginaire du lion qui s’hybride avec l’aigle était-elle représentée sur un carreau de revêtement ? Peut-être à cause du mystère qui entoure le griffon associé dans les civilisations anciennes aux divinités et aux héros. Le thème du griffon n’est toutefois pas inhabituel dans l’art islamique, puisqu’il est représenté sous forme de vase ou de sculpture en métal.
Dans notre exemplaire, l’artisan a pris grand soin de finement représenter l’animal fantastique selon une technique appelée sgraffiato. Les motifs sont incisés au milieu du carreau en terre cuite recouvert d’un engobe, soit d’une argile diluée, mélangée dans notre cas à un oxyde colorant vert qui permet de masquer les imperfections de la base. Le tout est recouvert d’une couche de glaçure qui donne à l’ensemble son brillant, son imperméabilité et également son caractère insolite.
Le carreau au griffon est à découvrir au premier étage du Musée national de Beyrouth.

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