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BEYROUTH BY DAY: Ras el Nabeh-Amliyyeh

30/06/2021|Tania Hadjithomas Mehanna

Des sept puits qui alimentaient la ville de Beyrouth d’une eau généreuse, saine et providentielle, un seul reste en activité, Bir Krawiye qui continue à prodiguer ses bienfaits. Même si une société privée attenante à la mosquée de Ras el Nabeh exploite cette eau et se charge de la purifier, quatre robinets sont à la disposition des habitants qui viennent à toute heure du jour et de la nuit s’y abreuver. Rends gloire à Dieu, enjoint l’inscription placée au-dessus du puits, celui-là même qui a donné au quartier son nom qui signifie littéralement : tête de la source. Deux puits ont été creusés durant les années 1860 car la source principale qui alimentait les bains publics ne suffisait plus. Et, sur cette terre abreuvée sont venus s’installer des migrants venus d’Aley, du Metn-Sud, de Hasbaya et de Rachaya. Ce faubourg limitrophe du centre de la ville s’est vite urbanisé, adoptant l’animation des quartiers de Mazraa et de Basta, la diversité de Nasra, la solennité des établissements pédagogiques et des cimetières ainsi que l’élégance des maisons en tuiles. 

 

Les rues sont calmes à Ras el Nabeh qui recèle, si on veut bien lever le nez, de petites merveilles architecturales. À n’en pas douter, la route de Damas, ouverte à la circulation à partir des années 1860, a grandement contribué à l’expansion du quartier. Les petits palais se placent de part et d’autre de cette route qui a été la première ouverture de Beyrouth vers le monde. Ras el Nabeh continua de s’étendre et de prospérer, à quelques pas du centre de la ville, l’ouverture de l’avenue Béchara el Khoury, le 4 septembre 1954, confirmant l’importance de ce quartier où sont venus s’établir la faculté de lettres de l’Université Saint-Joseph et, plus tard, les services culturels de la France. Si la plupart des jolies maisons à arcades sont aujourd’hui en voie de démolition, quelques immeubles carrés des années 50 subsistent et donnent à Ras el Nabeh un cachet particulier. La statue imposante de Béchara el Khoury, que l’on doit au sculpteur Samih el Attar insuffle au carrefour qu’elle surplombe une petite touche d’histoire.

La rue de Damas… Centrale et centrée, nécessaire et primordiale, symbolique et nostalgique. Sortir de Beyrouth au XIXe siècle était une aventure en soi. Et pas toujours heureuse. Les sentiers étaient escarpés, les bandits de grand chemin au rendez-vous et les mules trop fragiles. Rejoindre Damas, qui était un centre important d’échanges de marchandises entre l’Orient et l’Occident, prenait parfois quatre jours et les voyageurs, épuisés, traversaient maintes épreuves. Le chemin de Damas s’apparentait à un chemin de croix et la construction de la première route carrossable que l’on doit au comte de Perthuis débuta le 3 janvier 1859. Les diligences jaunes dont le terminus se trouvait Place des Canons, firent leur apparition en 1863 et changèrent considérablement le visage de la ville de Beyrouth. Tout fut soudain possible et plus facile et la route de Damas devint vite synonyme de prospérité. Les habitations et les commerces fleurirent sur les côtés de cette artère névralgique du centre de la ville. Point de jonction, elle transportait les rêves, nourrissait les espérances et devint le pouls de Beyrouth jusqu’aux années de guerre. Une dispute et la rue s’embrasait. Une révolte et la rue manifestait. Une célébration et la rue festoyait. Un enterrement et la rue se parait de noir, accueillant avec solennité le corbillard tiré par quatre chevaux et la marche funèbre qui se devaient d’accompagner le passage dans l’au-delà de toute personnalité. Aujourd’hui la rue de Damas, gravement atteinte par les événements comme il se doit pour une route qui réunissait, est rénovée sur un côté. Les immeubles pimpants font face à des bâtisses trouées, branlantes, menaçantes qui se demandent pourquoi, dans la grande entreprise de reconstruction, on les a oubliées. 

 

Dans la partie délaissée de la rue de Damas, un hôtel affiche une petite pancarte désuète. Nazl loubnan el jadid (Nouvel hôtel du Liban) n’a rien d’un cinq étoiles mais son propriétaire, Omar Nasr, est très tatillon sur la propreté. Et, surprise, les chambres sont claires, aérées et la bâtisse ne manque pas de charme même si Omar se plaint de ne pouvoir restaurer la façade. « Nous sommes là depuis 1953. Mon père louait des chambres à des étudiants venus de tout le Liban et aussi de l’étranger pour suivre des cours à Beyrouth. Nos clients étaient aussi des commerçants étrangers que nous appelions tajer chanta, parce qu’ils venaient remplir leurs valises de marchandises qu’ils allaient vendre dans leur pays. La bâtisse, qui a plus de 200 ans et qui abritait un couvent, était très belle. Charles Hélou a habité au deuxième étage. La hauteur du plafond est de sept mètres et les carreaux au sol importés de France sont si beaux qu’un client a voulu les démonter et les emporter. Fermé durant la guerre, l’hôtel a rouvert ses portes en 1990. Mais les dégâts étaient considérables et nous avons colmaté comme on a pu. Je ne peux rien faire parce que je suis en location. Les propriétaires veulent me mettre dehors mais toute ma vie est ici. Nous avons 15 chambres et nous accueillons des touristes et des groupes. Actuellement, nous avons une famille jordanienne qui est venue avec son propre cuisinier. » 

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