Tout en boucles, Koreitem est plus studieux que ses voisins Hamra, Manara et Snoubra et certainement plus calme. Les écoliers et les étudiants s’y dispersent et le phare en pierre, totalement abandonné, apporte une touche sépia à ce quartier qui donne sur la mer. Koreitem partage avec Aïn el Tineh la dénomination de quartier sous haute surveillance. Depuis que deux grandes personnalités de la vie politique libanaise y ont chacune construit leur palais, il est difficile de circuler. Routes déviées, caméras interdites, il faut surfer parmi les ruelles et bien connaître les dédales du quartier portant le nom de la mosquée édifiée en 1909 et qui s’est développé à la même période, attirant une population plutôt aisée.
Le Collège Protestant Français est de l’avis de tous une belle réussite architecturale. Son style dépouillé et net encadre des jardins où les écoliers se dispersent. Les nouveaux locaux ont été inaugurés en février 1956 sur un terrain qui appartenait à l’ambassade de France. Mais la fondation du collège remonte à 1927 quand Louise Wegmann, alors professeur d’histoire et de géographie, arrive au Liban pour y fonder le Collège Protestant Français de Jeunes Filles. Les locaux proposés sont alors situés rue Georges-Picot, déjà occupés depuis 1922 par le Musée, la Bibliothèque nationale et… une prison en lieu et place de ce qui avait été une école allemande et un orphelinat fondés en 1862 par l’ordre prussien des Diaconesses de Kaiserswerth. Dans deux pièces, douze élèves et deux professeurs vont entamer alors une formidable aventure. Le Collège s’agrandit vite et bientôt occupe tout le bâtiment avant de déménager rue Madame Curie. Ce n’est qu’en 1971 que le Collège devient mixte. Il accueille aujourd’hui plus de 1500 élèves, « jeunesse ardente et généreuse que rien n’effraie et rien n’abat », comme le veut son hymne.
Sur une intersection passante, le City Café accueille depuis 1995 journalistes, professeurs, étudiants et artistes. Si le décor est moderne et clair, l’ambiance rappelle un peu celle des vieux cafés de Beyrouth où l’on refaisait le monde et où la polémique faisait le régal de tous. Assis à sa place habituelle, le propriétaire des lieux Monah Dabaghi nous offre deux cafés et une petite leçon d’histoire : « Les premiers cafés ont vu le jour au Bourj où les hommes venaient jouer aux cartes et se détendre. Dans les années 50, le rayonnement de Bab Idriss a entraîné l’ouverture du café Tanios, de la Pâtisserie Suisse qui sont vite devenus des lieux de rencontre à l’européenne. Les jeunes gens venaient se rencontrer et flirtait “à la mode française”. Durant la même période, la Tapline et Aramco se sont installés au Liban près de l’Université américaine de Beyrouth et cela a marqué les débuts des cafés de la rue Bliss. Sans oublier le café Fayçal en face de l’université connu pour sa clientèle d’intellos. Quand le cinéma Hamra a commencé à projeter des films américains, le quartier a flambé. Les habitués du Bourj se sont déplacés et j’ai ouvert le Horseshoe, le premier café-trottoir. Le succès a été immédiat. On vendait de la culture et pas seulement des boissons. Les frères Rachana venaient tous les mardis et l’atmosphère était incroyable. La guerre a tout changé. Ici, je reçois mes anciens clients, j’organise une exposition de peinture par mois mais ce n’est plus la même chose. Il faut s’adapter aux changements, que voulez-vous ? »
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