Les rues qui se croisent dans le quartier Joumblat montrent tout le caractère cosmopolite de cette partie de la ville. Rue John Kennedy, rue d’Amérique, rue de Rome, rue Justinien, rue Clemenceau, on se trouve pourtant bel et bien au cœur de Beyrouth. Mais à quelles règles obéissent donc les noms des rues ? C’est en 1963 que toutes les artères de la capitale ont enfin reçu des noms officiels. Avant cette date, une rue sur trois était identifiée et les autres prenaient le nom de l’épicier du coin ou de l’arbre du milieu ou encore du café à proximité. Les nouveaux noms ont été choisis en évitant soigneusement les personnalités encore en vie en vue de ménager, déjà à cette époque, les susceptibilités. Dans la catégorie journalistes, artistes et hommes de lettres, cinquante-sept nouveaux noms viennent s’ajouter aux dix-huit déjà en place. Les hommes politiques n’ont pas la cote puisque uniquement vingt-sept d’entre eux méritent de voir leurs noms inscrits pour la postérité. Quinze femmes sont à l’honneur alors que trente émigrés libanais se voient immortalisés. Soixante-quatre noms sont tirés de l’histoire arabe et moderne. Soixante-quatre noms de villes et de pays arabes et méditerranéens s’ajoutent à cette liste non exhaustive des noms de nos rues et ruelles. Les autorités locales de l’époque ont supprimé sans états d’âme les noms des conquérants qui n’avaient plus leur mot à dire dans le paysage urbain d’une ville encore pacifique.
Dans la montée Joumblatt, initialement rue Nicolas Rebeiz, Simon Barsoumian promène son regard clair sur son voisinage qu’il côtoie depuis quarante-deux ans. Veuf, il vit avec sa fille dans un bel immeuble cossu. « Mon père est né à Alep, il avait 14 ans quand il est venu au Liban. Ma mère est libanaise de rite orthodoxe. J’ai travaillé dans les transports et après dans le domaine bancaire. Je suis actuellement à la retraite, j’ai 80 ans et je ne suis jamais parti de chez moi même quand, en 1977, des miliciens sont entrés dans la maison et ont tiré entre mes jambes. Ils ont tout volé et je les regardais faire. Je n’ai pas eu peur. J’ai mis ma maison au nom de mes deux filles. J’espère qu’elles resteront dans le quartier mais elles sont libres de faire ce qu’elles veulent. »
Radio Liban, on est fait pour s’entendre ! L’ancêtre de cette institution était Radio Levant du temps du mandat français. C’était le premier service d’émissions radiophoniques destinées aux populations arabes. En 1946, Radio Levant est cédée au gouvernement libanais et devient Radio Liban, tout en conservant deux heures d’émission quotidiennes sur la vie culturelle française. C’est la voix d’André Gide qui inaugure la formule, le 1er avril 1946. Le 24 janvier 1958, le président Chamoun pose, près de l’école des Arts et Métiers, la première pierre de la maison de la radio qui comportera six studios. En juillet 1962, des émissions en cinq langues atteindront les émigrés libanais dans leur terre d’accueil. En décembre 1971, le centre de nouvelles par téléphone est inauguré. Radio Liban adopte une nouvelle formule en 2003 et signe un accord de partenariat avec RFI.
Le palais Joumblat, admirablement préservé, est magnifique. Et l’on comprend aisément qu’il ait donné son nom au quartier. Sur une petite pente, là où il n’y avait que jardins, Rachid Joumblatt, venu du Chouf s’installer à Beyrouth, fait bâtir en 1897 un superbe palais de deux étages. Son fils Nagib et le fils de ce dernier, Ali, vont entretenir à merveille au fil des années le bâtiment et le jardin qu’habite aujourd’hui Saїd Joumblat. À côté, le Palais Daouk est tourné vers la mer. Imposant dans son habit rouge, il était entouré de deux autres palais, mais l’un d’entre eux a été totalement brûlé durant la guerre par des miliciens en colère et démoli depuis.
Plus loin vers Hamra, la Banque centrale impose son édifice blanc sur l’une des artères les plus passantes de la capitale. Edifié en 1964, le bâtiment de sept étages et de 16000 mètres carrés à l’architecture épurée est réhabilité en 1998 et un nouvel immeuble de huit étages vient compléter le siège de la vénérable institution. C’est en 1919 que la Banque de Syrie et du Liban a été créée sous l’égide de la Banque ottomane. Cette banque se scinda en deux en 1963 et une des parties devint la Banque du Liban. La livre libanaise a vu le jour le 29 mai 1937 aux termes d’un accord conclu entre le gouvernement et la Banque de Syrie et du Liban.
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