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Benoît Dupuis, l’art dans l’architecture

31/10/2023|Christiane Tawil

Son portfolio semble tout droit tiré du bottin mondain. Pour une clientèle élitiste, il écrit de belles histoires dans lesquelles il mêle décoration intérieure et art contemporain. Les villes à histoire constituent son terrain de prédilection, Paris bien sûr, mais aussi Venise et peut-être Beyrouth, où ses liens d’amitié l’amènent souvent.

 

C’est un homme franc et sensible que nous avons rencontré dans l’une de ces maisons anciennes de Gemmayzé. Ces maisons qu’il affectionne particulièrement pour leur grâce rescapée d’un autre temps. Benoît Dupuis revient régulièrement au Liban. Il y est invité par son amie Nayla Audi. Leur rencontre s’est faite professionnellement d’abord avant d’évoluer en amitié. «Ce qui me ramène ici, c’est d’abord le charme du Liban, le charme de mon amie Nayla que j’ai connue à Paris. Je me souviens de ma première visite à Beyrouth, c’était également au printemps. 

Je venais de Dubaï et je me souviens des parfums et du raffinement de cette ville. On retrouvait ici une finesse qui est toujours la même, et ceci est pour moi une question très très importante, dit-il. À Beyrouth, il y a d’abord l’énergie et le contraste, celui qui existe entre les vieilles maisons libanaises d’un côté, que l’on se doit de préserver, et les tours. Malgré cette dichotomie, l’ensemble constitue un contexte urbain fort. Le contraste est intéressant. Il ne faudrait pas détruire davantage, parce qu’après il n’en restera rien.»

 

Benoît Dupuis a développé depuis longtemps un attrait pour les villes d’histoire, Venise où il travaille, mais d’abord Paris, où le fait de vivre dans une ville qui est belle et pensée fait son éducation. Il confie le choc qu’il a eu à 17 ans, venant de sa Normandie natale pour poursuivre ses études d’architecture. «En tombant sur Notre-Dame plongée sous un ciel d’orage, je me suis dit: «C’est là que je veux être…»

 

Modernité absolue

Pour sa formation d’architecte, il entre dans l’école nationale d’architecture logée aux Beaux-Arts, «un enseignement traditionnel basé sur des projets individuels et des projets d’équipe, dans lequel on gravit les échelons selon un système vertical où les plus anciens enseignent aux plus jeunes.» 

 

Il voue à son patron de l’époque et tuteur de diplôme Michel Marot une admiration sans borne. Architecte de grands ouvrages, auteur de plusieurs projets emblématiques dont la villa Arson, celui-ci a co-signé un ouvrage iconique, la Marina Baie des Anges, projet qui le fascine encore par sa modernité et qui est classé Patrimoine du XXe siècle depuis l’année 2000. Benoît Dupuis se revendique comme moderne: son éducation faite par un père architecte, il a grandi dans une maison des années 70, une maison entièrement vitrée, avec un toit-terrasse. À l’intérieur un aménagement avec des références modernes, des lampes Serge Mouille, des meubles de Arne Jacobsen, ce qui est assez particulier pour un milieu provincial. Depuis son plus jeune âge, la Glasshouse de Philip Johnson reste sa référence absolue. 

 

Aujourd’hui, il voue le même hommage à l’industrie, même si la tendance actuelle est de revaloriser la matière et l’artisanat. 

Contexte et intervention

Après ses études, l’accès à la commande se fait naturellement, ses interventions relèvent de l’architecture d’intérieur. Pour lui, un projet d’architecture est d’abord un projet, un prototype, qui veut apporter une solution à un problème. C’est un travail d’équipe entre l’architecte et le maître d’ouvrage. Il accède à une commande exceptionnelle avec des commanditaires de renommée internationale. Venus du monde de la mode comme le créateur Christian Louboutin et son associé, ou du spectacle comme Keith Richards, James Fox et Bella Freud. Ses clients deviennent ses amis. 

 

«Quand il y a un contexte, j’essaie de m’appuyer dessus, de ne pas tout détruire mais d’aller plus loin». Il collabore avec Cathy Vedovi, grande collectionneuse d’art. Leurs apports sur une réalisation se complémentent avec bonheur, même si leurs expressions s’opposent: baroque pour elle, stricte pour lui. Leur première intervention est la renaissance d’un appartement parisien des années 30, conçu à l’origine par Jansen et appartenant à un collectionneur d’art qui cumule des signatures exceptionnelles, Damien Hirst, trois grandes fresques de Takashi Murakami. S’inspirant du style années 30, Benoît Dupuis se charge de dégager les espaces, de recréer des perspectives. Quant à Cathy Vedovi, elle chine et repère meubles et pièces d’art, s’occupe surtout de l’accrochage des œuvres. À Venise, ils se posent avec meubles et collections dans l’appartement d’un magnifique palais du XVIIIe siècle donnant sur le Grand Canal. Ensemble, ils rénovent, réhabilitent pour accueillir leur nouveau point d’ancrage. Comment ne pas voir des correspondances entre les palais vénitiens et les maisons libanaises? À la fois dans la distribution en hall central et dans les arches. 

 

Son rêve? C’est le rêve de tout architecte, réaliser une maison de zéro. Dans sa palette, des greiges, des dorés, mais aussi des couleurs primaires: le rouge de sa dernière vision du Crazy Horse, le bleu, celui qu’il a au fond de son regard trempé dans les langueurs marines de sa Normandie natale.

 

 

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