C’est au cours d’une discussion entre amis le 27 février de l’année 2018 que l’idée d’un Comedy Club pour le Liban naît. Les trois co-fondateurs invitent alors leurs proches à se produire à leurs côtés, jusqu’à ce qu’Awkword aquiert une popularité qui lui assure une trentaine de stand-uppers sur scène. Le système de recrutement se fait sur le modèle américain : des “open-mics” permettent aux aspirants de s’essayer à l’art du stand-up; ceux-ci accèdent ensuite au Comedy Club (ils doivent alors préparer des shows de cinq à dix minutes par soirée) puis peuvent espérer être programmés pour un showcase (où ils se produisent pendant 15 ou 30 minutes, selon les soirées).
Awkword, au-delà des événements qu’il organise, s’attache à être un espace d’échange et d’entre-aide entre stand-uppers. L’art n’étant que très peu reconnu à travers le pays, les fondateurs du Comedy Club appréhendent leur mission comme celle d’une agence qui aident les comédiens à couvrir tous les aspects de leur vie professionnelle (bookings, rémunérations, respect de leur production, etc.) qui n’ont pas attrait à l’écriture et à la création. Si la mise en place d’une formation pour stand-uppers était envisagée par les fondateurs du club, l’initiative a malheureusement été empêchée par les crises sanitaires et économiques qui ont ravagé le pays. Si quelques-uns des stand-uppers viennent du monde du théâtre, Andrew Hariz le précise, “le stand-up, c’est l’antithèse du théâtre ; le théâtre c’est jouer un rôle, mettre un masque, tandis que le stand-up c’est le parfait inverse, c’est retirer ce masque”. Et de préciser que, si la pratique préalable du théâtre sert une certaine aisance sur scène, elle présente aussi des torts en ce qu’elle complexifie le rapport à soi, et au partage de points de vue personnels.
Concernant la censure, Awkword se présente comme une plateforme libre, indépendante de tout parti politique, de toute religion, de tout positionnement. C’est précisément dans cette optique qu’Awkword est né, et c’est pour cette raison que les fondateurs ont refusé d’aller chercher des financements, afin de s’affranchir de toute ingérence extérieure. En outre, les places pour les spectacles ont été fixées à des prix très avantageux, afin de n’exclure aucun public. Pareillement, et si les shows ont lieu aujourd’hui principalement à Ked (à Beyrouth), Awkword organise un “open-mic” par mois à Zahlé, et prévoit d’étendre l’entreprise aux grandes villes du pays. A une plus grande échelle, il est question d’exporter les spectacles des comédiens à l’étranger, et notamment à Dubaï ou Paris, afin de leur offrir plus de visibilité.
Ceux-ci comptent aussi beaucoup sur le digital : Awkword publie régulièrement des extraits des shows sur les réseaux sociaux et ambitionne même de créer une plateforme digitale. Cette initiative est d’autant plus intéressante qu’elle serait la première plateforme du monde arabe à ne pas être régie par les règles de la censure. Le droit à l’image et la propriété intellectuelle sont, de façon générale, des libertés strictement défendues par Awkword. L’objectif, finalement, c’est la démocratisation du stand-up comme art de la scène à part entière. Pour les membres du Comedy Club, il s’agit de montrer qu’il ne suffit pas “de faire le clown sur scène” pour réussir. Le stand-up demande de l’écriture, de la maîtrise, du jeu.
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