Art et Territoires : la résonance sublime des patrimoines immortels
09/08/2021|Julia Mokdad
Le nouveau projet de l’Institut Français joue dans le temps. Il embrasse et fait siennes les deux années à venir, radeaux pour porter à l’autre rive une bouteille à la mer. Celle lancée, il y a bientôt deux ans par les artistes et acteurs des secteurs culturels et artistiques, à l’approche des vagues épidémiques, économiques et politiques, submersives. Avant cette année, fatidique, il fut un temps où le courant, encore enchaîné, regorgeait de richesses. Selon une étude menée par l’Institut Français lui-même, en collaboration avec l’Institut des Finances et l’agence Française de développement, le secteur des industries créatives et culturelles représentait à lui seul 5% du PIB avant les évènements de 2019. Véritable moteur économique, il pourrait donner un nouvel élan au pays des cèdres, si toutefois celui-ci venait à l’encadrer d’une politique culturelle renforcée.
« Malgré tout, nous ne pouvons être qu’un appui par rapport à des initiatives dont les acteurs libanais doivent s’emparer »
Art et territoires est ce long chemin à la croisée des constats. Celui fait à l’hiver 2020 d’abord, alors que le Liban connait un énième confinement : les sens balisés par les murs, avides d’espaces plus grands où il fait bon vivre leur art, les artistes libanais se sentent extrêmement délaissés. Le second, survenu au détour d’une conversation avec Sarkis El Khoury, le directeur de la DGA, évoque un terrain plus difficile à défricher, parce qu’ancré dans les terres libanaises depuis des années. « Les libanais, sans doute du fait de la guerre, ont peu le réflexe d’aller voir les sites absolument merveilleux dont regorge leur pays, et qui sont l’équivalent sur petit territoire, de ce que l’on peut retrouver dans de grands pays voisins, que ce soit la Syrie, la Grèce, ou encore la Jordanie » souligne Marie Buscail, directrice de l’Institut Français du Liban. D’une pierre deux coups, les organismes s’assemblent pour offrir à chaque entité la pièce qu’il lui manque. Une scène - improvisée - à fouler. Des voix et des pas qui engouffrent l’écho.
Ouvrir les frontières abstraites de la culture
Faire sauter les verrous qui cadenassent la culture autour de la capitale libanaise. Voilà somme toute, le slogan qui pourrait être attribué au projet de l’Institut Français et de ses huit antennes, saupoudrées du nord jusqu’au sud du pays. Le schéma est simple et tripartite. La DGA met à disposition la centaine de lieux patrimoniaux qu’elle décompte, et dans lesquels elle veut réimplanter la vie. Main dans la main avec l’Institut Français, ils en sélectionnent 54 aptes à accueillir des projets artistiques, et font un appel aux projets destiné aux artistes résidents au Liban. Sur les 17 propositions, 9 sortent du lot, tout en respectant les critères imposés par émetteurs du programme. Parmi ceux-ci, la nécessité d’inscrire la réalisation artistique dans une démarche d’adaptation au lieu. « Plus que d’offrir une aide aux artistes - qui sont un patrimoine culturel immatériel - par le biais de ces opportunités que nous finançons, il est établi que nous voulons préserver au même titre ce que le passé du Liban nous a légué. Il était très important pour nous de mettre en place des manifestations artistiques dont la résonance renvoie à la symbolique du lieu, mais aussi à son environnement, à son histoire ancienne et actuelle. Il faut que le projet soit en harmonie avec le site, et non plaqué sur lui. » affirme la conseillère de coopération et d’action culturelle.
Pour que l’autonomie s’imprègne
Mais ce que souhaitent également les partenaires, c’est que l’expérience enjambe 2022 pour continuer à trotter à travers le Liban, et les années. Sous une autre forme, avec plus d’indépendance. Art et Territoires, c’est un peu une manière de tenir la main à un projet plus grand, encore enfant, dans l’espoir de le voir un jour s’émanciper sans perdre sa route. Le projet de voir bientôt un secteur artistique et culturel en fusion avec les terres sur lesquels il oeuvre. « Nous avons également tenu à ce que tous les projets aient un ancrage social dans la continuité » explique Marie Buscail. « Qu’ils voient le jour grâce aux interactions entre les artistes et les municipalités, les structures associatives, les ONGs locales déjà actives, le but étant de construire une nouvelle pratique artistique en inculquant aux acteurs impliqués de nouvelles habitudes de travail ».
Le mal du pays. Sur deux ans, l’Institut Français et la DGA offriront donc une scène géante aux artistes dépaysés, celle de leurs régions. Après le programme de résidence NAFAS ayant profité à 100 artistes libanais, c’est encore une énième preuve de cet amour indélébile que porte Paris à Beyrouth, depuis toujours.
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