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Art District, pour redonner à la photographie ses lettres de noblesse

17/11/2021|Emma Moschkowitz

“Ce lieu, il est fait pour toi !”

Maher Attar a grandi au Liban puis est parti s’installer à Paris, après la guerre. C’est dans la capitale française qu’il fait ses armes de photographe et qu’il parvient à inscrire son nom parmi les plus reconnus du milieu. En 2016, il choisit de rentrer à Beyrouth pour y développer un projet autour de sa profession. Alors que le temps s’écoule et que l’inspiration manque, c’est en mai 2019 que Maher trouve un nouveau souffle et imagine Beyrouth en femme. Le 12 octobre, il fait paraître sa Marianne libanaise dans une photographie intitulée Liberté. Le deuxième tirage de la série, nommé Indépendance, montre six hommes essayant d’arracher le drapeau libanais. Cinq jours plus tard, la Révolution commence. 

Les mois se succèdent, et Maher désire retourner en France. Puis, un jour, alors qu’il se dirige vers le laboratoire duquel il fait développer ses photographies, il découvre, à travers des fenêtres brisées, un local détruit sur la rue Gouraud à Gemmayzé. Il y retourne quelques jours plus tard, accompagné de sa copine, qui lui dit “Ce lieu, il est fait pour toi!”. Ils y entrent et, là, Maher se sent chez lui. Au cours de notre entretien, il fait référence au 4 août: “Moi, je suis toujours en deuil.”, nous explique-t-il, “Je me suis installé là, précisément, parce que le sang n’y est pas encore sec. C’est un combat, de rester là, avec mes compatriotes. C’est mon soutien, à ma façon”. Il entreprend alors les travaux, qu’il termine en un mois. L’idée, c’est de créer un hub, pour les photographes, pour qu’ils puissent parler, shooter, lire, se rencontrer. Le but, c’est d’éduquer les Libanais à la photographie, à la lecture d’une image et au respect de celle-ci. Maher le précise, il n’a pas ouvert une galerie mais un lieu d’exposition: “Je ne cherche pas à faire du profit, simplement à couvrir mes frais.”. 

A terme, le lieu est destiné à accueillir des photographes “qui ont du talent”, à faire des portraits dans le studio photo tout récemment installé, et à proposer un espace-boutique, un “concept store photographique”, comme il l’appelle. 

 

Quand fond la neige, où va le blanc ? 

C’est en se réfugiant à la montagne, alors qu’il “broie du noir”, que le projet qu’il expose actuellement à Art District naît. Du blanc sur du noir, nous explique-t-il. “Mon Liban floue en blanc sur du noir. Je voyais la neige, blanche, immaculée, qui, en fondant, devient noire, boueuse”. Il photographie alors ces collines, leur calme, la résistance des arbres, le vent qui souffle, les traces de pas. Pendant des heures, voire des jours, Maher attend la lumière: “Cette poésie est devenue ma drogue, une sorte de méditation”. Toutes les images exposées sont volontairement en contre jour, l’ambiance est sur-réelle, presque extra-terrestre. Certains y voient la lune, d’autres un corps de femme. Deux photos seulement indiquent du lieu de la série, le Liban, en ce qu’elles représentent Raouché. Mais ici encore, Maher a voulu proposer une autre perspective de ce lieu emblématique de Beyrouth, et photographie la Grotte aux Pigeons depuis le petit bout de plage qui lui fait face. 

 

“La photographie, ce n’est pas un simple clic.”

Il est un des rares professionnels à être passé du reportage de guerre à la photographie d’art: “l’appareil photo m’aide à traduire ce que j’ai en tête. Avec le temps, j’ai compris que j’avais un style.”. Et en effet, Maher Attar a une vision bien à lui de la photographie: “Je suis contre la rafale, moi je fais une seule image. Je repère, puis je trouve l’appareil adapté puis le film et enfin la sensibilité que je veux laisser transparaître. Je n’utilise que des appareils manuels, j’aime être maître de la lumière, je laisse la chimie opérer”. 

Au Qatar, le photographe s’essaie à la lomographie. La lomographie est fondée sur une technique “à l’ancienne” nous explique-t-il: l’appareil possède une seule vitesse, le boîtier et l’objectif sont faits de plastique, “il faut être maître de la lumière, donc c’est très difficile, on est jamais sûr du résultat. La lomographie, c’est shooter sans conséquence.”. Au terme de son séjour dans ce pays du Golfe, il aboutit à la création d’une série qu’il intitule “Le temps suspendu” et parmi laquelle deux photos sont exposées actuellement à Art District. Conquis par le procédé, c’est donc vers la lomographie qu’il s’oriente pour appréhender cette nouvelle série autour de l’hiver libanais. Il choisit un film épais et périmé, expressément pour obtenir plus de grain, et pour l'inattendu du résultat. Et quel résultat! L’exposition, prévue pour deux mois, invite à l’élévation, à la contemplation, illustre le temps qui passe et celui qui arrive. 

Star Burst


Lire aussi L’ART DU REGARD À LA BEIRUT PHOTO WEEK

 

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