Pouvez-vous nous raconter votre exposition dans ses grandes lignes ?
C’est la troisième édition de Ahl el Dar, un nom significatif qui représente la terre, la maison, la nation et dans le même temps qui évoque la famille, c’est cette impression d’être chez-soi que nous avons voulu retranscrire. Cet événement est organisé par Dar Onboz, notre maison d’édition cofondée par Sivine Ariss et moi-même. Il réunit une exposition qui symbolise un tissage de l’identité culturelle libanaise, en réunissant des exposants de tout le Liban que nous avons soigneusement choisi et contacté. A côté de cette exposition, nous avons créé des concerts en soirée, en association avec Tunefork studios, qui ressemblent un peu à un travail de laboratoire, car nous associons des musiciens qui n’ont jamais joué ensemble.
Tous les weekends se tiennent divers concerts, pouvez-vous nous décrire rapidement ce à quoi les visiteurs peuvent s’attendre ?
Nous avons la chance d’avoir une audience de bons écouteurs, ce sont des personnes vraiment passionnées par ce qu’elles écoutent ce qui rend les événements très intimistes et uniques. Ces concerts sont des mélanges entre des styles complètement différents, des cultures hétéroclites. Nous avons commencé ces concerts par Farah Kaddour et Marwan Tohme Quartet, une alliance entre l’instrument traditionnel oriental, le Buzouk et la guitare classique occidentale. Puis Julia Sabra nous a offert un véritable voyage à travers les musiques de son groupe Postcards. Ce week-end, c’est davantage la musique arabe et vernaculaire qui va être présentée à travers le Zajal, des poèmes chantés par Charbel Kamleh et Charbel Abou Antoun. Samedi, Firas Andari rendra hommage à Sayyed Darwish en réinterprétant son répertoire de poèmes et de musiques. Nous avons aussi du jazz la semaine d’après, c’est un répertoire très varié que nous proposons, nous avons également des lectures littéraires et poétiques.
Cette exposition réunit des arts vraiment diversifiés qu’avez-vous décidé de mettre en avant cette année ?
Notre choix va des fossiles qui ont cent millions d’années, à des exposants qui travaillent le feutre ancestral, à des designers contemporains d’objets ou d’habits, des artistes ou encore des livres de notre maison d’édition, sans oublier la nourriture avec plus particulièrement des graines historiques et endémiques au Liban. Notre sélection inclut également les produits significatifs de notre pays, les savons, la laine, le papier fabriqué à la main… Il y a une grande célébration de la terre et du local, c’est avant tout une histoire de goût et de sens, chaque exposant répond à notre envie d’avoir une production et une consommation qui ait du sens pour nous et pour la terre.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre initiative quant au travail de Robert Saliba ?
Nous avons eu la chance de pouvoir rendre hommage à Robert Saliba, un grand historien d’architecture et d’urbanisme. Il y avait réalisé une exposition avec Beirut Heritage Initiative Abdul-Halim Jabr, nous reprenons alors trois éléments de cet accrochage et à partir de cela, nous avons créé un livre de coloriage inspiré de dessins des immeubles de Beyrouth entre 1840 et 1940. C’est une façon d’introduire l’architecture, son histoire et l’urbanisme à une grande tranche de la population qui n’y a pas accès dans son quotidien. L’idée était de sortir cet art de l’univers très scientifique dans lequel il est traité habituellement surtout que nous vivons dans une ville qui est architecturalement très riche.
Quels sont les objectifs de la troisième édition d’Ahl el Dar ?
C’est avant tout de nous reconnecter avec cette essence qui construit le Liban, c’est célébrer cette identité afin de savoir que nous ne venons pas d’un vide. Même si notre culture est très variée et mélangée, entre montagne et ville, entre diverses religions et cultures, il y a des moments clé de notre histoire culturelle et artistique qui sont très importants. Il y a également l’aspect économique qui est conséquent, nous avons voulu mettre en avant le fonctionnement des économies créatives, comment elles fonctionnaient et coexistaient. A travers cette exposition, il y a eu beaucoup de producteurs qui n’étaient pas connus initialement et qui ont commencé à s’inscrire doucement dans cette économie assez particulière. Puis, il y a la promotion des co-créations qui nous tient à cœur ; nous sommes en train de créer des petites bouchés, des lekmés, comme le mélange d’un fromage contemporain et d’une confiture traditionnelle avec un pain au levain et une huile venant du sud. C’est vraiment essayer d’associer des savoir-faire, des métiers qui ne travaillent pas ensemble habituellement, créer des collaborations.
Ahl el Dar n’en est pas à sa première édition, quelle est l’évolution de cet événement ?
Par rapport à la première édition, il y a eu un resurgissement autour des savoir-faire ancestraux, aujourd’hui il y a beaucoup d’organisations qui veulent faire des ateliers, des apprentissages. C’est un peu mon espoir, que tous ces métiers, toutes ces activités ne disparaissent pas et soient toujours présents dans notre quotidien et pas uniquement dans les musées. Je souhaiterais que ces métiers deviennent des métiers de vie, qu’ils nous inspirent de la fierté et de l’amour et bien sûr de la survie économique. Grâce à Dar Onboz, nous pouvons toucher un jeune public, des familles, des personnes qui peuvent transmettre cet héritage. C’est important pour nous de redonner l’amour aux métiers, de replacer l’artisanat à sa juste position. Ce que nous aimerions beaucoup créer dans cette édition de Ahl el Dar, c’est une transmission de savoir-faire ancestral pour se rapprocher de notre projet de créer des ateliers et des classes. Nous accueillons par exemple une jeune femme qui fait de la teinture naturelle, où les visiteurs peuvent venir choisir un produit avec leur tissu et avec son « chaudron magique » elle parvient à donner une couleur particulière provenant toujours d’une essence naturelle accessible que nous pouvons trouver au Liban, cela peut être de l’huile d’olive, des fleurs d’hibiscus, des plantes, des noix… Nous essayons de revenir aux métiers traditionnels, nous avons entre autres, recréé un petit métier à tisser sur les conseils de la tisseuse avec laquelle nous travaillons. Ahl el Dar, c’est donc avant tout propager la connaissance, les savoir-faire, la beauté, faire parler des médiums qui ne communiquaient pas ensemble, c’est un soutien économique et solidaire. Ce projet est un travail d’amour et de mécénat, de nous et des autres.
Avez-vous d’autres projets à côté de cette exposition un peu particulière ?
Nous avons lancé un livre qui célèbre la pleine lune, un ouvrage signé Dima Eddé et calligraphié par Samir Sayegh. Ce conte, Le fil de la lune, a été illustré en broderie par Imane Salameh et Randa Siblani, de l’association Le Temps Brodé. C’est un véritable mélange de connaissances et de compétences. Il s’agit d’un livre bilingue, initialement le texte est en français et je l’ai traduit vers l’arabe. C’est une conversion de générations, de grands écrivains et artistes pour introduire cet univers aux jeunes, à la famille. En tant que Dar Onboz, depuis nos débuts, nous voulons faire entrer nos lecteurs dans l’univers trop souvent inaccessible de l’art grâce à la littérature par son visuel et ses mélodies. Le livre a ce pouvoir magique !
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