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A l’USJ, colloque en hommage au sociologue Melhem Chaoul

02/11/2022|Zeina Saleh Kayali

« La thaoura d’octobre 2019 trois ans après : de l’espoir à la désillusion ? » était le titre du colloque organisé par le Professeur Karim-Emile Bitar à l’Université Saint Joseph de Beyrouth, en hommage à son collègue et ami prématurément disparu, le Professeur Melhem Chaoul. Nada Chaoul, professeur à la faculté de droit de l’USJ, raconte cet intense moment intellectuel et affectif à la mémoire de son mari.

 

Comment s’est déroulé le colloque en hommage à Melhem Chaoul ?

En trois panels, partant du personnel (l’hommage à une personne chère disparue) vers l’universel (une question qui touche tout un pays). Tous ceux qui ont parlé de la thaoura ont parlé de Melhem, lui-même ayant beaucoup écrit et réfléchi sur ce sujet. 


Qui étaient les panelistes ?

Il y avait là trois catégories de personnes : des universitaires (Karim-Emile Bitar, Nawaf Salam, Nada Mogaizel, Joseph Maila) des intellectuels de la société civile (Alexandre Najjar, Melhem Khalaf), des politiques (Ziad Baroud) et des jeunes ayant participé à la thaoura (Michel Helou, Jad Ghosn…) Une façon de porter un triple regard sur ce qui s’est passé et de fédérer les idées. 

 

Quels ont été les principaux sujets évoqués ?

Les interventions étaient très riches, et leur diversité faisait que les mêmes questions étaient analysées sous des angles différents. Par exemple Nada Mogaizel a évoqué le sujet sous l’aspect des neurosciences et a expliqué comment une partie de notre cerveau accepte la thaoura tandis que l’autre partie la rejette. Certains des universitaires ayant eux-mêmes dans leur jeunesse été des « soixante-huitard » et participé à des mouvements révolutionnaires, avaient une expérience intéressante à partager, avec le recul et la sagesse dus à l’âge. Alexandre Najjar a dressé le bilan des lacunes et des points positifs de la thaoura, Ziad Majed a traité de l’utilisation de la violence. Tous, unanimement, ont exprimé leur « admiration » face au pouvoir qui, avec une incroyable habileté et un cynisme remarquable, a réussi à retourner la situation comme un gant par sa coupable force d’inertie, et dont la corruption et le clientélisme ont stoppé l’élan. Il faut bien sûr prendre également en considération les éléments externes comme le covid, la crise économique, la difficulté des transports etc. 

 

Comment Melhem Chaoul voyait-il la thaoura ?

Il avait pris en compte deux éléments importants. Tout d’abord il disait « pas de révolution à l’ombre des armes », car le combat est, d’emblée, inégal. Ensuite, il estimait qu’il fallait absolument tenir compte de la polarisation de la société libanaise. Ainsi le fameux slogan « kellon yaané kellon » s’appliquait, pour les révolutionnaires, à tous les chefs politiques, sauf au leur. Il avait noté le rôle des régions dans le mouvement de la thaoura : Tripoli, Saida etc. Melhem, dès le début du mouvement avait peur des éléments infiltrés, ce qui s’est avérée une crainte tout à fait fondée. Mais il estimait qu’il ne fallait pas s’arrêter là, que c’est un travail de longue haleine. En tout cas le sujet lui tenait très à cœur, lui-même dans sa jeunesse ayant participé à des mouvements révolutionnaires. 

 

Il était un spécialiste de la société libanaise ?

Oui et du monde arabe en général. Ses travaux portaient sur la sociologie politique et c’était ce que l’on peut appeler un « décrypteur » qui décortique et analyse avec finesse et lucidité. Il avait étudié à fond les structures traditionnelles de la société et rêvait d’un Liban moderne et débarrassé de ses archaïsmes. Il avait démontré comment les communautés ont toujours représenté un refuge quand l’Etat est considéré comme l’ennemi (et ce depuis l’empire ottoman) d’où la difficulté de se débarrasser du communautarisme qui sécurise par la structure qu’il offre : écoles, hôpitaux, là où l’Etat est défaillant. Ainsi, pour lui, la société libanaise ne peut évoluer de façon linéaire car elle est structurellement hybride. Il donnait toujours l’exemple du croissant au zaatar, un croisement du croissant français et de la man’ouché libanaise et qui incarne très bien cette fusion.

 

Vous-même dans vos billets d’humeur décortiquez la société et ses travers !

Oui il me disait d’ailleurs « tu es une sociologue spontanée » et lisait tous mes billets. Le juridique, chez nous, nourrissait le sociologique. Si son absence physique se fait cruellement sentir, j’ose penser qu’il vit à travers ses écrits.

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