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‘W ma Tallit Colette’ : Derrière le rire et la comédie, un cri d’injustice

18/12/2018|Lamia Darouni Sfeir

C’est son expérience personnelle qu’il partage sur scène avec son public, un an après sa libération de prison où il a été injustement accusé de collaboration avec l’ennemi. Entre rires et moqueries, gravités et insultes, Ziad Itani, comique dramaturge et acteur libanais, connu pour ses pièces sur la vie beyrouthine, revient sur scène dans sa dernière pièce ‘W ma Tallit Colette’, pour raconter les faits douloureux de cette supercherie. Des moments intenses, fort, remplis d’émotions, où le public en sort tout remué et certainement peu indifférent. 

Il lui aura fallu quatre mois pour s’en sortir, se reconstruire et décider de poser à sa façon, et dans son langage teinté d’humour et de traits d’esprit, ces terribles instants qui l’ont marqué depuis le jour où il a été arrêté en novembre 2017. Du courage, il lui en a fallu. ‘‘Mais quand on n’a plus rien à perdre, on se lance, pour sauver les autres, avouera l’acteur la voix teintée d’une colère retenue. ‘‘Lorsque je suis sorti de prison, je n’avais personne autour de moi. Beaucoup de mes amis m’avaient lâché dès les premiers instants de mon accusation. Sauf deux qui n’ont jamais douté de mon innocence : l’humoriste et musicien Khaled el Sbeih et l’acteur Ahmad el Khatib. C’est eux qui m’ont poussé à commencer l’écriture de cette pièce en juillet 2018. Je racontais les faits, décrivait les situations. Ils construisaient les dialogues, les scènes, les mots à dire’’. Et puis, il a fallu un metteur en scène qui accepterait de produire la pièce en trois mois, car il voulait que cette pièce paraisse le 23 octobre, date à laquelle il avait été arrêté. ‘‘Beaucoup ont refusé. D’autres se sont rétractés. Un seul n’a pas hésité une seconde: Hisham Jaber, le directeur du théâtre Metro al- Madina, l’un des plus courageux metteurs en scène de la ville, admet l’acteur. Il a été bouleversé par mon histoire et la cause à laquelle j’ai été malgré moi entrainé. Il a contribué par tous les moyens à la mise en scène et les effets scénographiques de cette comédie. Les acteurs également ont eu un très grand rôle à jouer. Ils étaient très concernés par cette cause. Khaled Sbeih s’est senti trahi, parce que lui aussi a cru un moment donné que j’avais pu commettre une chose pareille. Cette pièce de théâtre lui a permis de se défouler et de s’exprimer. Ça a été une vraie thérapie pour lui également’’.

Le rire et l’humour pour dénoncer les maux.

Oscillant entre humour et drame, sarcasme et sérieux, l’acteur se lance dans un sujet grave traité sous forme de comédie. Accompagné de quatre comédiens, qui manipulent les mots et les instruments de musique avec beaucoup de dextérité et de talents, il bouscule le public, accompagne la mise en scène d’images bouleversantes, révoltantes qui laissent stupéfaits, indignés. De ces acteurs, certains encore inconnus du public, il admet avoir exigé une seule condition : ‘‘qu’ils soient également musiciens, car il ne conçoit pas sa pièce de théâtre sans musique et chanson’’, explique-t-il, avouant croire foncièrement en ces multiples talents cachés, ceux que la presse ne valorise pas nécessairement''. Il choisit alors Ahmad El Khatib dans le rôle de l’agent de police et du prisonnier Sako en prison. Khaled Sbeih, excellent oudiste qui possède son propre orchestre musical campera le rôle du sergent et du juge. Ziad Chakaron, le seul vrai acteur, interprétera le rôle de l’avocat et du prisonnier Khal, accompagné de son violoncelle. Firas Itani, grand musicien sera le seul acteur qui joue pour la première fois sur scène. Comment les autorités et la censure lui ont-ils permis de dévoiler tous ces moments assez compromettants ? ‘‘Ils ont été assez compréhensifs, avoue l’acteur. Ils ont jugé que c’était mon droit de raconter mon histoire, à condition de ne jamais nommer quelqu’un sur scène, ni d’attaquer la religion, chose que je n’ai pas faite’’. Et pour bien vivre cette comédie, ils l’ont même autorisé à retourner en prison, toute une journée, accompagné de ses quatre acteurs. ‘‘Un moment très fort, se souvient Ziad. Les prisonniers m’ont accueilli sous un tonnerre d’applaudissement. Nous avons passé tous ensembles dans la cellule où j’ai séjourné plus de 100 jours. Les acteurs ont discuté avec les prisonniers, ils ont étudié leurs gestes, leur façon de se comporter, de réagir aux situations, pour mieux jouer leur rôle et interpréter leurs émotions’’. Mais au-delà du rire et de la comédie, c’est un message fort que l’acteur a voulu transmettre au public: Il a voulu éveiller leur conscience, les pousser à prendre position, bouger, dénoncer et exiger la vérité ‘‘pour que nos enfants ne subissent pas l’injustice dont j’ai été victime’’, martèle-t-il doucement, avouant toutefois terminer sa pièce dans une note d’espoir, car il sait que ‘‘rien n’est impossible dans ce pays, à condition toutefois d’avoir le courage de dénoncer, de refuser et de ne plus se taire’’.


'W MA TALLIT COLETTE'
 

METRO AL-MADINA
17 ET 18 DECEMBRE, 23 AU 25 DECEMBRE ; LE 30 DECEMBRE ; 6 AU 8 JANVIER ; 13 ET 14 JANVIER A  21H30

(01) 753021
 

TARIF : 25,000 LL

(Photo : © Issam Abdallah)
 


 

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