PROLONGATION DU 13 AU 16 DECEMBRE
Jusqu’au 9 décembre, la petite salle du théâtre Monnot accueille le spectacle ‘Histoire de la poule et de l’œuf’, une idée originale de Valérie Cachard et Chantale Mailhac, d’après le récit de Luandino Vieira. Un conte musical d’Angola tout public.
C’est à la porte de la petite salle du théâtre Monnot (ACT) que les conteuses accueillent le public, en jouant de petits instruments de percussions en bois et en chantant. Et elles nous accompagnent, nous invitant à nous asseoir sur les sièges. S’enclenche aussitôt une espèce de petit dialogue avec l’audience pour l’introduire à ce qui va se dire sur scène, à ce qui va se raconter, au récit qui va se dérouler. Prenant le public à témoin, dans un échange interactif, Valérie Cachard et Chantale Mailhac entament leur histoire par la fameuse formule : "Il était une fois".
Il était une fois, dans un musseque, un misérable bidonville de Luanda, capitale de l'Angola, Dame Bina et Dame Zefa, et la poule de cette dernière Cabiri. Cabiri, qui aime passer son temps à caqueter, à chanter, et non à pondre. Et pourtant, ce jour-là, elle vient de pondre un œuf dans le jardin de Dame Bina. A qui appartient réellement l’œuf ? A la propriétaire de la poule ou à celle du jardin ? Ou peut-être même, à monsieur Zé, le marchand, qui a vendu le grain pour nourrir Cabiri. Tout le musseque de Sambizanga s’en mêle. C’est en quelques mots le récit écrit par José Luandino Vieira, pseudonyme de José Mateus Vieira de Graça, né en 1935 à Vila Nova de Ourém, au Portugal, et que Valérie Cachard et Chantale Mailhac ont voulu transposer et mettre en scène au Liban.
Vêtues d’amples tuniques rouges, d’un rouge vif qui capte la lumière tamisée de la salle, les deux conteuses dévident les fils de l’histoire en des tableaux colorés et bigarrés, de couleurs, de motifs, de mots, d’émotions, d’images, d’imaginaires, de sons, de chants, de pas de danse. Dans des gestes de magiciennes parfois, de sorcières africaines d’autre fois, les deux conteuses effeuillent leurs mots, qui par moments entrecroisent des effluves de Beyrouth à ceux de Luanda. A mesure que la trame narrative s’étoffe d’une pléthore de personnages hauts en couleurs, même si par moments il est difficile de suivre leur surgissement à tous, la nature humaine se révèle à travers ses vices et ses travers, mais aussi sa joie de vivre et d’être. La loi, la justice, la convoitise, l’hypocrisie, la tendresse, l’humour, les sentiments et les états d’âme s’entremêlent au verbe fin et au mot choisi avec soin et délicatesse. La langue en effet éclate dans toute sa splendeur, dans un bouquet de saveurs colorés et chamarrés, où le synonyme se fait plaisir et voyage sur de nouvelles contrées.
Les deux conteuses se partagent la scène avec deux musiciens, Hadi Deaibes et Philippe Rigot, qui manipulent tour à tour une vingtaine d’instruments, d’influence occidentale et africaine, et parfois coiffent la casquette de figurants impassibles. Même absente, la musique est toujours présente, de par l’ambiance qui est créée, de par l’incantation constante qui se dégage de l’ensemble ainsi mis en scène. Conte musical, les tableaux visuels tonnent comme autant de sonorités perçus par le corps et soudain, le mot clamé cède la place au mot chanté, avec justesse, avec entrain, avec passion, passion rouge vif.
Avec une économie de moyens, une mise en scène épurée, simple et efficace, Valérie Cachard et Chantale Mailhac réussissent le défi d’agencer un spectacle haut en couleur et de qualité, tant par le texte qu’il propose, que par la forme dans laquelle il s’enrobe. Les mots entament leur voltige, libres comme ils l’ont rarement été ; libres de se poser çà et là, sur les notes d’une kora ou d’un balafon, sur les lèvres d’un personnage imaginaire, qu’on pourrait tout aussi bien croiser dans une Afrique fantasmée ou dans les repaires de l’enfance. Le sourire n’est jamais loin, et les rêveries non plus.
A savoir
Jusqu’au 9 décembre, à 19h00, et séances supplémentaires samedi et dimanche à 16h00
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