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Rencontre avec Jamal Saghir

26/02/2019

Par M.N.S

Ecrit en partie au Laos, puis sur le Nil et dans de grandes capitales, mais le plus souvent aussi en avion, Jamal Saghir a publié son livre ‘Stories of a world Banker’ relatant sa vie professionnelle. Une émigration de 40 ans dont 26 ans à la Banque Mondiale en tant qu’expert international travaillant au service du développement l’ont amené à parcourir le monde et rencontrer un bon nombre de chefs d’états et de décideurs.  Le regard bleu azur aux reflets des océans du monde qu’il a si souvent traversés, Jamal Saghir a un look paradoxal d’un jeune prof de fac ayant accompli sa vie professionnelle. Il répond aux questions de l’Agenda Culturel


 


Pourquoi avoir voulu écrire un livre ?
L’idée me trottait dans la tête depuis un bon moment, mais je ne savais pas exactement comment le présenter. Je voulais partager mon expérience de 40 ans de vie professionnelle qui n’a rien d’unique ou d’exceptionnelle, mais qui est différente. Ce n’est pas uniquement un livre économique ou financier, ou un livre sur les banques et sur le développement dans les pays pauvres, ni un livre de mémoires. C’est un peu de tout cela. 
J’étais un peu incertain du résultat, je ne savais pas si les lecteurs seraient réellement intéressés. Mais je l’ai écrit et j’ai tenu à le lancer à Beyrouth même, alors que je pouvais aussi le faire à Washington D.C. Je suis un pur Beyrouthin. Je suis rentré dans ma ville, je vis dans ma ville et j’ai lancé mon livre au cœur de ma ville, à Beit Beirut, dans ce lieu symbolique sur l’ancienne ligne de démarcation. 

Quel est votre message principal ?
Peu importe de quel milieu social, culturel, familial une personne est, elle peut réussir sa vie professionnelle. Mais pour cela il faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent, il faut travailler dur, savoir apprendre de ses erreurs et toujours aller de l’avant.
Toute personne peut apporter sa contribution à la société et laisser son empreinte

Quels conseils donnez-vous aux jeunes d’aujourd’hui ?
Les jeunes doivent avoir la volonté de s’éduquer et de tout faire pour accéder aux meilleures études possibles. Ils doivent avoir une soif d’apprendre, de connaitre, d’être curieux. 
Et il faut aussi bien déterminer ce qu’ils recherchent vraiment professionnellement et s’y donner corps et âme, avec passion. 
Enfin, le choix du premier poste est primordial et les 10 premières années de la vie professionnelle doivent essentiellement être dédiées au travail. 

Dans votre livre, vous parlez des mauvaises prises de décisions au niveau d’un Etat. Quel en est le pire exemple ?
Je l’ai vu au Liban, mais aussi en Afrique notamment dans le secteur de l’énergie. La raison en est le plus souvent l’incompétence politique et la corruption.
J’ai finalement rencontré très peu de décideurs qui comprennent les besoins de base des citoyens qui s’intéressent réellement à eux. Il y a la plupart du temps une déconnection entre la population et les décideurs. Ces derniers croient souvent qu’ils font du bien mais leurs décisions basées sur des agendas différents, sont mauvaises. 
Par ailleurs, j’ai souvent remarqué que les décideurs s’expriment sur les actions à accomplir en disant «il faudrait faire », « il serait utile » … et je réalisais qu’ils ne se sentaient pas concernés !
Par contre, j’ai vu des états se créer et prospérer notamment après la chute du mur de Berlin comme le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, la Géorgie, l’Arménie etc. J’ai rencontré des responsables dont le désir était de créer des états souverains et qui ont réussi. Ces exemples, comme aussi la Pologne, la Croatie et d’autres prouvent que les stratégies de développement peuvent donner des résultats. 

Est-ce que le gap entre les décideurs et la population existe surtout dans les pays pauvres ? 
Il y a un lien avec le développement d’un pays, son industrialisation et sa démocratisation. Il y a des valeurs démocratiques et un système de responsabilité qui vous juge. Dans les pays du G8 par exemple, les systèmes en place existent depuis près de 100 ans et ils fonctionnent plutôt bien. Cela ne veut pas dire que les décideurs ne prennent que des bonnes décisions, mais il y a une responsabilisation. Si un ministre se trompe, il peut perdre sa place. 

Parlez-nous de la corruption 
C’est le mal du siècle. Il y a très peu de pays non corrompus. 
Pour parler de la corruption, il faut d’abord garder en tête qu’il y a les corrompus et les corrupteurs. C’est extraordinaire comment les corrompus et les corrupteurs parlent de la corruption. Ils parlent toujours à la troisième personne. Le système de corruption est tellement sophistiqué qu’on ne retrouve plus la source du mal. 
Une corruption qui n’est pas sérieusement attaquée, devient cancérigène et s’étendra à tous les secteurs et services du pays. 
Mon expérience m’a montré que tant qu’il n’y a pas une croissance économique et une création d’emploi sérieuses, une inflation limitée, la corruption galopera. 

Que pensez-vous du cas du Liban et de son infrastructure ?
Ce n’est pas normal qu’après 30 ans on n’ait pas d’électricité, que les gens boivent tous de l’eau en bouteille, que les égouts débordent dès qu’il pleut. Les gouvernements successifs ont tous échoué. Le choix des investissements et le choix du management ont été mauvais. 
On a perdu beaucoup d’opportunités. Le libanais se croit plus malin que les autres et aujourd’hui je remets en question le mythe de ‘l’entrepreneur libanais’. Beaucoup d’entre eux sont trop corrompus, trop arrogants, ils ont perdu le sens de l’humilité et le sens de la réalité. 
Au Liban, il n’y aura jamais de révolution, il faut alors une évolution. Les ressources existent et les solutions sont simples, mais les gens ne veulent pas écouter. L’arrogance des décideurs est frappante !

Qui sont les leaders qui vous ont le plus impressionné ?
James D. Wolfensohn, Président de la banque mondiale de 1995 à 2005. 
Jane Goodall, l’écologiste qui a développé un langage pour communiquer avec les chimpanzés. 
Carlos Slim pour sa simplicité malgré son immense fortune.


Jamal Saghir conclut l’entretien avec un mouvement de la main décrivant une main invisible qui intervient dans les régulations de ce monde. 
Et pour sa part, il ouvre une nouvelle page de sa vie, ouvert à toutes les éventualités. 

www.storiesofaworldbanker.com
 


 

Photo : © Maher Attar

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