C’était un petit rat que tout le monde trouvait vilain. Poil ras, gris-déprime. Longue queue véloce répugnante, court sur pattes… Si le dégoût avait un visage, ce serait le sien.
Ce rat était sale, insolent et fourbe. Les gens qu’il fréquentait assidûment se sont acharnés à le tuer : tessons de vitres, poison dans les céréales, fromage infecté… Sournois et moqueur il déjouait tous les pièges qu’on s’évertuait à mettre sur son chemin. Imperturbable, silencieux et prompt, le rongeur résistait.
Fort heureusement d’ailleurs pour le petit garçon qui habitait une mansarde qui suintait de partout. L’enfant s’était pris d’amitié pour l’animal. Les ongles crasseux, les cheveux collés dans le cou, les habits tachés, il le suivait d’un égout à l’autre, attendant de le voir émerger d’un tuyau… même le plus rébarbatif. Suivez mon regard.
Il trouvait ses parents bien injustes et ne comprenait pas leur haine massacrante.
Il décida un jour de prendre le rat chez un camarade d’école qui habitait une très grande maison surnommée ‘le château’. C’était en effet une très belle bâtisse aux colonnades imposantes, entourée de pelouses fleuries à longueur d’année. ‘‘Mon rat sera certainement mieux ici. Il pourra courir à l’air libre et prendre un peu de soleil’’ se dit-il. Et un soir, au crépuscule, avant que son rat qu’il avait domestiqué ne disparaisse, il l’attrapa et le déposa à l’insu de tout le monde dans le grand et beau jardin.
Mais ses inquiétudes n’étaient pas près de se terminer. Le lendemain, à la récréation, le petit garçon à la belle villa s’est mis à raconter qu’il avait été horrifié par un rat que ses parents avaient découvert s’échappant des toilettes. Le surlendemain, idem. L’ignoble avait laissé ses excréments partout dans le sous-sol humide. Le troisième jour, aussi : l’animal se faisait une tanière près de la fosse d’aisance.
L’histoire ne relate pas le trépas du rat, mais la morale est claire : tout est relatif et on ne peut pas vivre la vie de vedette si on n’est pas artiste. La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf aura beau arboré le luxe, elle ne pourra pas l’assumer. Alors vernir son image pour luire sur les écrans des autres est peut-être la voie la plus sûre vers le trépas. Certains l’ont compris… Quant aux autres… Chasser le naturel, il reviendra au galop.
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