‘L’Orient des peintres : du rêve à la lumière’ au Musée Marmottan – Monet, à Paris
22/03/2019|Valentine du Peloux
Centrée sur l’Orient méditerranéen, de la naissance de l’orientalisme, à l’aube du XIXème, jusqu’à l’apparition de l’abstraction, au début du XXème siècle, l’exposition « L’Orient des peintres » présente une soixantaine d’œuvres issues de grandes collections publiques et privées d’Europe et des Etats-Unis. L’Orient rêvé, qui s’est souvent transformé en un voyage initiatique menant les peintres européens d’un fantasme à une certaine réalité, est ici scindé en deux axes : les portraits puis les paysages.
Un idéal de beauté féminine appartenant à l’imaginaire
C’est de la femme orientale dont il est essentiellement question dans la première partie de l’exposition. L’odalisque, ou la femme de harem, nourrie les peintures exposées d’Ingres, Flandrin et Delacroix, pour n’en citer que quelques uns, même si en réalité aucun de ces peintres n’a pu contempler l’odalisque dans son cadre d’origine, le harem. En effet, celui-ci demeurant fermé aux visiteurs, les artistes peignaient une beauté éthérée, voluptueuse et suggestive, destinée à incarner la féminité absolue mais toujours idéalisée car fruit de leur imagination. Souvent mise en scène dans des postures lascives, l’égérie exotique témoigne d’un certain raffinement dans sa manière de se vêtir.
Cette muse orientale qui fascine tant ne relève donc finalement que de la création occidentale. Néanmoins, au delà du corps fantasmé, c’est le costume et l’accessoire oriental qui deviendra gage d’authenticité dans ces œuvres. De même, la passion de ces peintres pour les décors ottomans et les arts décoratifs musulmans, les mènera à un intérêt scientifique pour les arts islamiques dont on retrouve les motifs avec précision dans l’arrière plan des peintures.
Un paysage éblouissant et minimaliste aboutissant à une géométrie simplifiée
L’exposition se poursuit à travers des scènes de rues à la fois envoûtantes et étouffantes, et des paysages désertiques. Motivés par la recherche de la lumière et de la couleur, les orientalistes font l’expérience du voyage et découvrent ainsi des voies inexplorées. En découle, des compositions épurées cherchant à restituer l’aridité ambiante, comme les horizons tunisiens d’Albert Marquet.
Au début du XXème siècle, naît un goût pour la simplification géométrique : on distingue sur les toiles des silhouettes, mais ce sont désormais des formes colorées qui dominent les œuvres. Prémices du prochain développement de l’abstraction, où la dissolution du sujet laisse place à la couleur pure, à l’instar des œuvres exposées de Kandinsky ou Klee. Le parcours linéaire de l’exposition porte un regard nouveau sur cette peinture, soutenant la thèse de l’orientalisme comme une des voies conduisant à l’abstraction.
Si le voyage est loin de mener rigoureusement du fantasme à l’ethnologie et s’il reste difficile d’évaluer la proximité de ces artistes avec la civilisation du monde musulman, l’évolution de leurs regards et l’adoption de couleurs et de lignes plus sensibles confirme l’établissement d’une intimité avec le monde oriental. Les « peintres de l’Orient », voyageurs ou sédentaires, traduisent ainsi besoin pour l’ailleurs, un goût intense pour l’« au-dehors » d’où ils recueillent les sources d’un renouveau.
En 1835, au moment de la publication de son ouvrage Voyage en Orient, Lamartine considère ainsi qu’ « Il n’y a d’homme complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. […] Ouvrons le livre des livres, vivons, voyons, voyageons : le monde est un livre dont chaque pas nous tourne une page : celui qui n’en a lu qu’une que sait-il ? ».
C’est au Liban, qu’il s’est justement débarrassé d’un préjugé négatif associant l’Orient à la barbarie et, sur cette terre, il s’est senti en sûreté, bien plus qu’en Europe.
« L’Orient des peintres : du rêve à la lumière »
Musée Marmottan – Monet
2 rue Louis-Boilly, Paris
Du 7 mars au 21 juillet 2019
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